Page:Revue d’histoire des doctrines économiques et sociales, 1908, 3.djvu/11

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depuis l’antiquité regardèrent le droit naturel comme un droit non écrit. Pour les Stoïciens le Droit naturel est un mode de la raison universelle, il est obligatoire parce que la raison est Dieu[1]. Dans la philosophie chrétienne et dans la philosophie indépendante, la raison n’est que l’œuvre de Dieu ; il n’en résulte pas moins que la loi naturelle, enseignée par la raison, s’impose à nous parce qu’elle a Dieu pour auteur[2]. L’athéisme étant rejeté, comme une entité vide de sens, une hypothèse inconcevable, par tous les auteurs de Droit naturel, la question de savoir si, à supposer que Dieu n’existât point, le droit naturel n’en serait pas moins obligatoire était singulièrement oiseuse. Elle fut cependant posée et discutée. Hobbes[3] et Puffendorf[4] dénient à la raison le pouvoir d’édicter des lois de son propre chef. Grotius[5], Leibniz[6], Vattel[7] soutiennent, au contraire que le Droit naturel conserve son caractère impératif même abstraction faite de la Divinité ; mais, dans cette doctrine, d’où dérive l’autorité de l’idée morale ? Avant Kant, croyons-nous, il ne fut point donné de véritable réponse à cette question.

IV. Sanctions du Droit naturel. — Si le droit naturel est obligatoire, quelles sanctions comporte-t-il ? Ayant pour objet d’assurer le bonheur de l’individu qui le respecte, il doit avoir naturellement pour sanction le malheur de l’individu qui viole ses prescriptions. — En quoi consiste cette peine individuelle ? Dans l’antiquité Socrate et Cicéron font allusion aux remords de la conscience. « Ceux qui violent les lois établies par les Dieux, dit Socrate[8], subissent un châtiment auquel il est

  1. V. notamment Cicéron, De republica, L. III, xxii (supra cit. p. 8 note 1) et De Legibus I, c. VII (Collect. Nisard, OEuvres de Cicéron, t. IV, p. 367).
  2. V. supra p. 4 note 2 et p. 5 notes 1 et 2, Adde les généralités exposées au début de tous les ouvrages de droit naturel.
  3. Hobbes, Leviathan, Ch. XV, edit. Wallev, 1904, p. 109-110.
  4. Puffendorf, Droit de la nature et des gens, L. II Ch. III § 19 et s. (Trad. Barbeyrac, 1740, t. I, p. 246 et s.)
  5. Grotius, De jure belli ac pacis, Prolegomena, § 11 et 12 (Edit. Amstelæ dami 1712 p. 9-10).
  6. Leibniz, Mônita quoedam ad S. Puffendorfii principia. (Leibnitii Opera edit. Dutens, l768. t. IV, Pars. III, p. 279-280).
  7. Vattel, Le Droit des gens ou Principes de la loi naturelle, édit. Pradier Fodéré, 1863 ; t. I. p. 19.
  8. Xénophon, Mémorables, IV, 4, (Collect. Didot, Xénophon, p. 601)