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Page:Revue générale - volume 85, 1907.djvu/16

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III.

On argumente souvent, en parlant de l’instruction obligatoire, des exemples donnés par les pays étrangers, et on semble dire qu’en la repoussant, la Belgique se met en dehors des nations civilisées. Mais la question, à ce point de vue, n’est pas de savoir si ailleurs on l’a inscrite dans les lois, mais si elle y est appliquée.

Sans doute il en est ainsi en Allemagne, bien que là les déchets dans certaines provinces soient plus marqués que dans d’autres. Le motif de cette situation est aisé à indiquer. L’instruction obligatoire a été introduite en Prusse à une époque où ce pays était en quelque sorte coulé dans le moule militaire ; en haut, on commandait ; en bas, on obéissait ; les populations se sont pliées à ce régime, alors que le goût et la possibilité de la résistance n’étaient pas même nés, et il n’est pas surprenant que l’habitude, s’étant formée dans ces circonstances, ait continué sans grand effort à régir les générations suivantes.

Mais quand on a tenté au siècle dernier d’introduire cette réforme dans d’autres États, on s’y est heurté à des obstacles provenant d’un esprit nouveau, l’esprit de liberté, et il a fallu compter avec eux. Il y a vingt ans que l’instruction obligatoire a été introduite en Italie : le pourcentage des illettrés y est resté très élevé[1]. Mais on néglige volontiers cet exemple ; on se tourne vers la France, et on soutient que l’obligation y a réussi.

Cela est-il vrai ? Il convient de le rechercher, car il existe bien des affinités entre ce pays et la Belgique.

L’instruction obligatoire a été établie en France en 1882. Douze ans après, en 1895, le progrès était presque nul. En 1882, 5 540 295 enfants étaient inscrits dans les écoles primaires publiques et privées ; en 1895, il y en avait 22 000 de plus[2]. C’est peu ; encore faut-il ajouter que, depuis 1888, la statistique comprenait les écoles d’Algérie qui n’y figuraient

  1. Je n’ai pas les dernières statistiques ; mais, en 1896, ce pourcentage était de 23 p. c. dans le Piémont ; de 40 p. c. dans l’Italie centrale ; de 53 p. c. dans l’Italie méridionale ; de 56 p. c. dans les Iles.
  2. Statistique publiée parle Ministre de l’Instruction publique.