pitié de l’Empereur François-Joseph l’avait logé sur les instances de la charmante archiduchesse Marie Valérie, on trouva dans ses papiers, qui furent classés à la Bibliothèque de la Cour, une symphonie inachevée en trois parties et une sorte de testament-prière où il dédiait ingénument, dans tout sa foi et sa candeur, cette IXe au bon Dieu, Le priant d’accepter cette humble offrande en remercîment de tous Ses bienfaits sur la terre et en Lui demandant pardon de n’avoir pas eu le temps de l’achever. Il aurait voulu certes que ce fût sa plus belle œuvre, mais il avait fait ce qu’il avait pu. Aussi priait-il qu’on l’exécutât autant que possible suivie de son Te Deum… Et quand on respecte ainsi ses intentions, elle est vraiment la très digne sœur de l’autre IXe, celle de Beethoven. Les trois morceaux forment, du reste, un ensemble hors ligne : une première partie, véhémente et passionnée à l’égal de la musique de Tristan ; le scherzo le plus cinglant, si je puis ainsi dire, le plus opiniâtre, le plus extraordinaire, le plus girant qui ait été écrit avant ceux de Mahler ; et enfin un andante qui recule les limites du sublime et qui est vraiment les derniers adieux de Bruckner à la vie. Il n’y eut besoin d’aucun travail de coordination et de sertissage. On avait déclaré dans Vienne, avec la bienveillance accoutumée lorsqu’il s’agissait de Bruckner, que ce serait injouable, et du gâtisme pur (les derniers temps de sa vie le pauvre vieux somnolait sans cesse). Il en fallut rabattre ! C’est à Ferdinand Löwe que revient l’honneur de l’exécution originale ; elle eut lieu le 11 février 1903. Date à retenir. C’est ce jour qui marque à Vienne la réhabilitation artistique du pauvre vieux Maître, et de ce jour que commence le crescendo triomphal qui aboutit à l’apothéose universelle. Cette symphonie — à la fois une seconde IXe et une seconde Inachevée — se répandit comme une bonne nouvelle à travers l’Allemagne pendant l’hiver de 1903-1904 ; on ne jouait que cela. Elle commença sa carrière allemande à Duisbourg, sous Josephson, le 24 mai 1903. Rien qu’à Munich, nous eûmes l’occasion de l’entendre trois fois. Linz, chef-lieu de la Haute-Autriche, province natale du Maître, est désormais le foyer de son culte musical, grâce à son élève et biographe Auguste Göllerich. Il s’y donne toutes les années un festival Bruckner, d’où l’on accourt de tous les points de l’Allemagne
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