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division des sexes a lieu au rez-de-chaussée dans les nefs latérales, et par des barrières en bois placées entre les piliers intérieurs.

Quelquefois aussi le narthex devient le gynécée, et les hommes entrent dans l’église par les portes du nord et du midi (Νοτειομερος, Βορειομερος), laissant celle de l’occident pour les femmes, qui restent dans le vestibule. La décoration de la partie basse de ces façades de petite proportion, se réduit à une seule porte ouverte sur le narthex.

Albert Lenoir.

MUSÉE HISTORIQUE D’ARCHITECTURE.

En comparant attentivement les révélations religieuses avec les diverses formes que l’art a successivement revêtues, on ne tarde pas à s’apercevoir qu’il existe un rapport intime entre les dogmes et les monuments qui leur correspondent.

Cette étude démontre en outre que les temples ont toujours rendu sensible aux yeux du peuple la pensée religieuse, et qu’ils peuvent être considérés comme sa traduction matérielle. Nous devons ajouter que les monuments religieux ont toujours été dans un rapport constant avec les dogmes auxquels ils étaient consacrés, que les mêmes lois président à leurs évolutions, que leurs diverses phases d’enfance, de grandeur et de transformation suivent deux lignes parallèles.

A toutes les grandes époques de foi, d’unité et d’enthousiasme religieux, lorsque l’humanité se conçoit une destination et que toutes les forces sociales convergent vers le même but, l’architecture, cet art par excellence, est toujours dominée par une influence hiératique, et les beaux-arts deviennent dans les mains des prêtres un puissant levier d’éducation morale. Toutes les intelligences se rallient alors à la même croyance, tous les artistes se conforment à un type convenu, et ils y demeurent fidèles jusqu’à ce que l’ancien dogme étant épuisé et ne portant plus de bons fruits, une autre révélation vienne leur fournir une nouvelle source d’inspiration et de poésie.

Les synthèses religieuses pouvant être considérées comme des vérités relatives, il est évident qu’il doit arriver un moment dans la vie des peuples où les révélations[1] anciennes ne suffisant plus à leurs besoins moraux et intellectuels, la société s’affranchit de l’autorité sacerdotale, abandonne les vieilles croyances et aspire vers un avenir encore incertain. Ces époques de fin et de renouvellement sont caractérisées dans l’histoire des beaux-arts par des essais et des tâtonnements, par des bizarreries et des compromis étranges entre le passé et l’avenir, par des retours vers les anciennes traditions et de vagues tendances vers des formes encore indécises. Et de même que les réformes religieuses ne s’opèrent jamais brusquement, de même qu’une longue suite de siècles préside toujours à l’élaboration des dogmes et à l’établissement des hiérarchies qui leur correspondent, de même aussi le passage d’un style à un autre ne s’opère jamais brusquement et par saccades. Aussi est-il exact de dire que nulle part, et en aucun temps, on n’a vu se former spontanément et de toutes pièces un art nouveau. En un mot, l’intervalle qui sépare les diverses phases religieuses et les grands types d’architecture qui leur correspondent, est toujours comblé par époques et des monuments de transition qui servent de liens de et de préparation.

En se plaçant à ce point de vue. il est, jusqu’à un certain point, permis de dire que les périodes que l’on a désignées sous le nom d’époques de décadence et de barbarie, doivent, au contraire, être considérées comme des périodes d’enfantement, c’est-à-dire de progrès, puisque chaque tentative s’éloigne de plus en plus des formes anciennes, et se rapproche du type nouveau.

Les temps historiques les plus reculés et sur lesquels, au reste, nous ne possédons que des données très-incomplètes, correspondent à la civilisation des Pelages, des Celtes, des Scandinaves, des Gaulois, des Mexicains, des peuplades de l’Amérique du Nord et de la Haute-Egypte. Le trait le plus saillant de la religion et des mœurs de ces peuples fut la crainte de Dieu. Leur culte était austère, sauvage et terrible comme leur dogme. Toutes leurs cérémonies se résumaient dans des sacrifices et des prières. Leurs monuments sont en complète harmonie avec cette civilisation primitive. Les men-hirs ou peulvens, les dolmens, les gals gals, tous ces immenses blocs de pierre, en un mot, dispersés dans une foule de contrées de l’Europe, et auxquels les habitants des campagnes attachent encore des idées superstitieuses, peuvent donner une idée de l’art à ces époques reculées de l’histoire. Tout fait présumer, au surplus, que ces monuments ne sont que des restes de grandes constructions.

La deuxième grande période de l’architecture correspond à la civilisation indienne, qui plus tard se transmit en Ethiopie, en Egypte et probablement aussi dans quelques parties de l’Amérique, ainsi que chez les Phéniciens. L’expiation et la hiérarchie forment la base de la religion de tous ces peuples. Aussi voyons-nous leurs dogmes se traduire dans la société par l’organisation des castes. Les temples des plateaux de la Bactriane, ce berceau primitif du genre humain, mais plus particulièrement ceux de Bénarès, la ville sainte de l’Indoustan, peuvent servir de type aux monuments de cette période. Ceux de la vallée du Nil, dont la forme et le caractère demeurèrent si longtemps intacts, par suite de la haute influence des prêtres et des lois religieuses, en dérivent de la manière la plus manifeste.

Le naturalisme, ou imitation de la nature, prit naissance pour la première fois en Grèce, après que les artistes se furent soustraits à l’influence du génie égyptien. Toutefois, il convient d’observer que, dans l’origine, les peintures et les sculptures grecques présentent la plus grande analogie avec celles des derniers temps de l’art égyptien : c’est toujours la même raideur et le même système de lignes. Ce rapport est surtout mis hors de doute par l’examen attentif des figures peintes sur les anciens vases grecs, improprement désignés sous le nom d’étrusques.

Les Grecs n’abandonnèrent qu’avec une extrême lenteur les anciennes traditions des prêtres de Memphis. pour se livrer à l’inspiration de leur originalité. La période la plus brillante de l’école grecque, qui a produit tant de chefs-d’œuvre, s’étend de Phidias à Lysippc. Chacun sait que nous devons aux artistes grecs l’invention des ordres dorique et ionique, et qu’ils atteignirent le plus haut point de leur gloire par la création du style corinthien.

L’art romain n’est qu’un reflet de l’art grec, modifie par les

  1. Le mot révélation est pris ici dans le sens de mouvement spontané de l’intelligence.