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386 SCULPTURE CHRÉTIENNE. FABLIAUX REPRÉSENTÉS DANS LES ÉGLISES. I.AI n’ARISTOTE. Les commandements donnés sur le Sinaï proscrivaient , chez les Juifs, toutes représentations d’hommes ou d’animaux. Le peuple hébreu adorait un Dieu tout spirituel que l’œil ne pou- vait voir, et que la main d’un artiste ne devait point fleurer. Ce Dieu d’Israël était vraiment un Dieu caché , qui ne daignait se révéler à ses plus fervents serviteurs qu’au travers d’un voile de feu (1), ou derrière un épais rideau de nuages sillonnés par la foudre. Moïse lui-m<^me, recevant des mains du suprême Légis- lateur les tables de la Loi , ne fut pas jugé digne de contempler la face de Jéhovah (2). Le Dieu des chrétiens, au contraire, se montra revêtu d’une forme mortelle, et, pour accomplir son sa- crifice, accepta toutes les conditions de l’humanité. Dès lors, le nouveau culte devait admettre dans ses temples la forme réha- bilitée par la Divinité même. L’image du Dieu fait homme, en- touré des disciples qu’il. avait associés à son immortalité, prit place au fond du sanctuaire. Quelles imposantes et sublimes figures confiées au ciseau du sculpteur et au pinceau du peintre ! Les artistes chrétiens comprirent leur mission. Les voûtes des catacombes romaines, et les sarcophages des premiers Ages du christianisme, sont encore là pour nous dire combien fut grave, à son origine, l’ornementation religieuse. Les miracles du Christ et les scènes bibliques, emblèmes de la loi nouvelle, apparais- saient sur les murs du lieu saint avec une majestueuse simplicité. Los figures des apAtres et des évangélistcs, d’un style grandiose et sévère, n’étaient accompagnées que de rares attributs. IS’ulle part on ne rencontrait ce luxe de prodiges et de supplices dont le Moyen-.ge a peuplé nos basiliques. Il semblait qu’un souvenir de la délicatesse antique se fût perpétué dans l’art chrétien , e ! que les peintres ou les sculpteurs craignissent d’effaroucher, par de trop lugubres tableaux, la foi cliaiu-elanto des nouveaux con- (l)Exo<l.,cap. HI.v.S. (2) Exod., cap. XVXIIF ». lS-33. vertis, qui encensaient, la veille encore, des dieux pleins de jeu- nesse et de beauté. Aussi, la représentation des souffrances du Rédempteur, les scènes de douleur et de mort ne se montrent- elles presque jamais dans les premiers siècles de notre ère. L’artiste préférait à ces sombres peintures le triomphe de» mis et les symboles de la résurrection. La croix brillait bien

!v yeux des fidèles dans le fond de l’abside, mais c’était une 

croix toute radieuse, semée d’éclatantes pierreries, et qui offrait plutôt l’aspect d’un trophée de victoire que d’un instrument de supplice. Nous ne possédons à Paris que deux sarcophages chré- tiens ornés de bas-reliefs ; ils sont placés au Louvre dans la cour du Sphynx. Bosio a fait graver le plus intéressant de» deux dans Irt Rome souterraine (1). Leur style et le choix des sujets qui les décorent suffisent pour nous faire entrevoir les conditions des premières sculptures du christianisme. Quelle que fût la sévérité des œuvres primitives de l’art chré- tien, on sait quels orages enfanta, au sein de l’Église, la secte de» iconoclastes , ces rigoureux interprètes du texte biblique , qui , le marteau à la main, brisaient sans pitié les saintes images, au nom de celui qui avait dit : « Vous ne tous ferez point « d’image taillée , ni aucune figure de tout ce qui est en haut a dans le ciel, et en bas sur la terre, ni de tout ce qui est dans les « eaux, sous la terre (2). » Mais la lettre de la Bible succonba dans cette lutte. L’amour des représentations peintes ou sculptées, si difficile à extirper chez un peuple encore idolâtre à demi, finit par l’emporter sur le spiritualisme sauvage de la nouvelle secte, et bientôt les images se multiplièrent d’autant plus, que la puissance séculière avait déployé plus de fureur pour les proscrire. Le zèle destructeur des iconoclastes s’était surtout exercé dans l’Église orientale. En Occident, le culte des images ne fut jamais frappé d’aoathème ; mais le contre-coup des agitations qui remuaient les chrétiens de Constantinople se fit sentir jusque dans notre pays. Les conciles de Francfort et de Paris, tenus, le premier en 794, le second en 82V, discutèrent longuement cette grave question. Les pères de ces deux assemblées, sans autoriser la destruction des imdfees , condamnée récemment par le pape, crurent ne devoir les consi- dérer que comme une pieuse décoration convenable au lieu saint, et réprouvèrent les canons du deuxième concile œcumé- nique de Nicéc, qui semblaient favoriser l’adoration des figures destinées à représenter le Christ, la Vierge, les anges et les saints personnages de l’ancienne ou de la nouvelle loi. Les fameui livres carolms adressés par ordre de Chariemagne au pape Adrien I, à la suite du concile deFrancfort.contenaient même un Uànie assez énergique contre le culte de LaJrie (3), rendu parle peuple aux représentations des saints. Cependant les images dô- meurèrent dans nos temples, et quand se manifesta, dans U seconde moitié du dixième siècle, la grande réaction de l’enthou- siasme religieux, leur triomphe parut assuré à jamais. La mul- titude en devint vraiment incalculable. Les porches, les archi- voltes, les chapiteaux, les piliers, les tympans, les tours, s«  couvrirent d’un nombre infini de figures de toutes espèces. La scul|)ture afl’ecta dabord un extérieur décent et chaste. Alors, (1) Bosio, Itoma sotterranea, édil. MDCXXXII, p. e9el73. (2) E.rod., cap. XX, v. i. Trad. de S»f y. (3) 1,0 trrtne d* /.jïriV s’enu-nd on culte d’adoriiion dû à Dieu seul, itoàtt que i’Églisc ne reno ani sainis qu'uu culte dlioDneur H de re>pecl ;Coocile d» ÎTficnte, session nr). T. I. 42