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c’est une raison de plus pour qu’ils soient bien faits. Nous allons les décrire et indiquer les soins à prendre lors de l’exécution.

Dans le système aux jambettes en bois (Fig. 3), les jambettes s’assemblent dans l’arbalétrier au moyen d’un tenon, qui doit être assez fort pour empêcher le glissement, mais qui n’a pas besoin d’être d’une grande longueur. Quant à l’autre extrémité, comme les trois tirants s’y réunissent, il faut l’armer d’une ferrure qui les reçoive. Cette ferrure consiste en un anneau A (Fig. 4), en une partie droite qui s’appuie sur l’extrémité de la jambette, et en deux bras B, qui embrassent la jambette et y sont fixés par des boulons. Cet anneau doit être bien sain ; car c’est de lui que dépend la solidité du système ; c’est le nœud qui retient tout. Il doit aussi avoir de l’épaisseur, afin que les tringles qui viennent s’y rattacher ne soient pas courbées suivant un trop petit rayon.

Quant aux tirants, il faut que la partie formant crochet soit ployée à chaud si c’est du fer en tringle, et à froid si c’est du fil de fer. Le crochet étant fait et passé dans l’anneau, on le ferme au moyen d’une boucle de fer C, et on force son extrémité D en l’ouvrant un peu, afin que la boucle ne puisse plus ressortir.

Pour les taraudages, ils doivent toujours être arrondis dans le fond. Cette recommandation, qui est importante pour tous les taraudages possibles, l’est encore davantage pour ceux de tiges qui supportent de grands efforts.

Pour le fil de fer, il faut que le filet soit peu prononcé et très-arrondi ; car il entame la partie la plus résistante ; et d’ailleurs, pour peu qu’il soit profond, le diamètre, qui est très-faible, se trouve réduit à rien.

J’ai fait des expériences sur un taraudage de fil de fer de 6 mill. de diamètre. J’avais fait mettre deux écrous, ayant ensemble 0m.01 d’épaisseur. Sur le taraudage, qui était très-peu prononcé, on a suspendu 500 kilog. à une boucle de fer soudée au fil de fer. Sous cette charge, la soudure a manqué ; mais le filet était tellement bien conservé que les écrous ont pu être défaits et qu’on les manœuvrait à la main quand il ont été desserrés.

Il faut que toutes les tiges composant la ferme soient arrêtées par deux écrous, afin que le pas de vis soit bien serré contre le taraudage. Ces écrous doivent ensuite porter sur de larges et fortes rondelles, pour qu’ils ne pénètrent pas dans le bois. (Voy. Fig. 5.)

Les jambettes en bois, qui sont ce qu’il y a de plus économique, sont un peu lourdes d’aspect. Lorsqu’on ne craint pas un léger surcroît de dépense et qu’on veut de l’élégance et de la légèreté, pour des charpentes qui doivent être apparentes, on peut faire les jambettes en fonte. Les assemblages sont alors différents de ce qu’ils étaient dans l’autre cas ; ainsi, pour une grande portée, voici celui que je regarde comme le plus convenable : La jambette portant quatre côtes de renfort, comme la plupart des pièces de longueur en fonte, serait munie à chacune de ses extrémités d’un tenon (Fig. 6). L’un entrerait dans l’arbalétrier, l’autre serait placé entre deux plaques de tôle découpée comme l’indique la Fig. 7. Les tirants viendraient s’assembler aussi entre ces plaques, au moyen de boulons pour ceux qui aboutissent à l’arbalétrier, et de clavettes pour l’entrait. Avec cette disposition, toutes les longueurs des tirants seront variables, et on pourra en régler la tension à volonté. Quant à l’assemblage du pied de l’arbalétrier, je crois convenable, pour de grands efforts, de rattacher ce tirant au-delà de la sablière, sur une rondelle en fonte qui reporterait la pression sur du bois en travers (Voy. Fig. 5)

Il faut avoir la précaution, dans toutes ces charpentes, de faire prendre à l’arbalétrier une légère courbure, en faisant tendre les tirants qui forment son armature. On pourrait aussi, dans un comble fait d’après ce système, relier entre elles toutes les extrémités inférieures des jambettes d’un même côté, par un fil de fer de 0m.003 ou 0m.004 de diamètre. Cette mesure préviendrait toute tendance au déversement. Cependant, je ne regarde pas cette précaution comme indispensable, parce que les tirants se mettent naturellement dans le plan des deux arbalétriers, et cela par l’effet même de la charge, comme nous l’avons fait remarquer précédemment.

La Fig. 8 donne le détail de l’assemblage en B des deux arbalétriers et des deux tiges BC et BC’ de la Fig. 2.

Sous-détail du prix du revient d’une ferme de 80m.40 d’ouverture, construite au chemin de fer de Paris à Versailles (rive gauche).
MATIÈRES PREMIÈRES.
fr. c. fr. c.
2 Arbalétriers en sapin de formant un cube de 0m.0726, à 75 fr. le mètre cube, valent. 5.45
2 Jambettes de formant un cube de 0m.0052, à 75 fr. le mètre cube, valent. 0.40
Fil de fer de 6 mill. de diamètre. 5 kil. à 1 fr. 10 l’un, valent. 5.50
Ferrures de jambettes, tirants, etc., pesant ensemble 6 kil. 25, à 0.52 le kil., valent. 3.25
Charbon 1/3 d’hect., à 3 fr. 60 c. l’hect. 1.20
Total des matières premières. 15.80 15.80
MAIN-D’ŒUVRE.
Assemblage et montage. 7 heures d’un charpentier, à 40 c. l’une, valent. 2.80
Forge des jambettes, des écrous, bagues, etc.
4 heures et 1/2 d’un forgeron, à 50 c. l’une. 2.25
4 heures 1/2 d’un frappeur, à 30 c. l’une. 1.35
Taraudage, 1 heure 1/2, à 25 c. 0.37
Mise au levage, 1/2 heure d’un charpentier, à 40 c. 0.20
1/2 heure de 3 aides, à 25 c. l’une. 0.40
Total de la main-d’œuvre. 7.37 7.37
Total général. 23.17
A ajouter 1/5 pour frais généraux. 4.63
Total. 27.80
Camille Polonceau.