Page:Revue générale de l'architecture et des travaux publics, V4, 1843.djvu/153

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assise sur un sol d’anciennes carrières à plâtre exploitées à ciel ouvert et par galeries souterraines inconnues. L’existence de ces galeries s’annonce quelquefois par des fontis où s’engouffrent des sépultures entières. On ne saurait, certes, rejeter sur le compte de la direction des cimetières ces accidents qui viennent quelquefois augmenter le deuil des familles dont les tombeaux disparaissent dans les entrailles de la terre.

Il n’en est pas de même des éboulements à ciel ouvert, qui ont lieu aussi quelquefois dans les parties escarpées de ce cimetière. Ces éboulements, qui de temps en temps ont englouti ou renversé quelques tombeaux, ont pour cause principale l’infiltration des eaux dans le sol bouleversé par d’anciennes exploitations de pierre à plâtre.

On ne sait pas mieux tirer parti des berges de ce cimetière que de celles de Montmartre. Dans celui-ci, les sépultures peuvent être assises quelquefois sur la masse de pierre à plâtre ; mais au cimetière de l’Est on ne rencontre que des marnes.

Le sol du cimetière est composé à sa surface de terre végétale quelquefois graveleuse et très-perméable. Le sous-sol est formé d’un banc de marne verte, compacte, imperméable dans les couches supérieures, et légèrement fendillée dans le reste de la masse. Les eaux pluviales, ayant traversé facilement le sol végétal, sont arrêtées par l’imperméabilité de la couche supérieure du banc de marne. Elles suivent les pentes et les inégalités de la surface et se précipitent dans les cavités pratiquées dans la masse : telles sont les excavations sépulcrales ; aussi, une partie des caveaux situés au pourtour du plateau sont constamment remplis d’eau au tiers ou à la moitié de leur profondeur. Si la maçonnerie des caveaux est assez bien établie pour empêcher toute infiltration, ce qui est assez difficile, vu le peu d’épaisseur qu’on est obligé de donner aux murs par suite de l’insuffisance du terrain concédé, les eaux n’en remplissent pas moins toutes les cavités comprises entre les murs de ces caveaux et les parois de l’excavation, contre lesquelles elles agissent par leur pression jusqu’à ce qu’elles se soient fait jour au travers des terres.

Ce cimetière occupe une section du plateau de Mont-Louis, isolé de toutes parts ; l’autre section, située au Nord, consiste en terre en culture dont le niveau ne dépasse pas d’une manière sensible celui du sol le plus élevé du cimetière. Les eaux de l’extérieur ne peuvent donc venir dans celui-ci qu’en très-petite quantité, et l’ensemble formant un monticule isolé, il n’est pas présumable que les eaux puissent y arriver de loin par l’action du siphon ; la nature du sol se prêterait peu, du reste, à la production de ce phénomène. Les eaux qui affinent au cimetière ne peuvent donc provenir que des pluies et des neiges tombées dans son enceinte, et il est peu probable qu’il en vienne des terres en culture qui occupent le reste du plateau.

Ces eaux, par leur séjour plus ou moins prolongé dans la suite de réservoirs qu’on leur a creusés tant sur le plateau que sur le bord des escarpements, ces eaux, disons-nous, délaient à la longue la masse du sous-sol et s’infiltrent à travers les moindres fissures qu’elles rencontrent sur leur passage. Elles exercent une pression active contre les parois intérieures des excavations, et l’on a vu quelquefois se détacher, puis glisser ou se renverser, des masses de terrain entraînant avec elles des tombeaux entiers ou fragmentés.

Toutes les pentes rapides exposées à l’Est, au Sud et à l’Ouest, ont éprouvé de pareils éboulements ou en sont menacées. On remarque un glissement assez prononcé sur toute l’étendue de la pente au pied de laquelle s’étend la magnifique avenue des acacias qui part du tombeau de Casimir Périer et embrasse circulairement la partie Sud-Est du plateau. Ce glissement se manifeste par des crevasses qui régnent sur la crête de l’escarpement et par la poussée des murs et des tombeaux qui sont au pied.

Plusieurs des riches tombeaux adossés à cette berge ayant été renversés par la poussée des terres malgré leur énorme culée, ont été reconstruits ; d’autres sont lézardes et éprouveront bientôt le même sort. Depuis que la ruine de plusieurs sépultures, par la poussée des terres, est venue jeter l’alarme dans les familles, on a pris le parti d’isoler la plupart de ces tombeaux, en soutenant par des murs de terrasse les terres contre lesquelles ils étaient jadis adossés. Il est probable que, sans cette précaution, au bout de quinze ou vingt ans il n’en serait resté qu’un très-petit nombre debout. On a eu raison et en même temps on a eu tort d’isoler les tombeaux des terres du coteau.

On a eu raison en ce que les murs de soutènement étant aujourd’hui chargés seuls de maintenir les terres, on pourra les reconstruire aussitôt qu’ils menaceront ruine, et cela arrivera au moins tous les dix ans, parce que leur épaisseur est insuffisante ; on a eu tort, disons-nous dans un autre sens, car ces tombeaux, dont la saillie est de 2 à 3 mètres, étaient d’excellents contre-forts pour les murs.

Ces murs de soutènement sont presque tous trop faibles pour résister à la poussée des terres, sans excepter ceux auxquels on a donné en plan une forme curviligne ou angulaire. Ces formes, d’un effet désagréable à l’œil, sont bien raisonnées pour offrir plus de résistance à la poussée, mais leur insuffisance pour soutenir les terres vient de deux causes : la principale est qu’on a calculé sans doute leur épaisseur d’après les formules ordinaires qui supposent les terres nivelées à la hauteur du couronnement du mur. Dans ce cas, le mur n’a à soutenir que la poussée d’un prisme triangulaire de terre a b c (Fig. 1, Pl. 9) compris entre la face intérieure du mur, la ligne de nivellement du sol supérieur et une ligne inclinée à l’horizon d’environ 50 degrés centigrades pour les terres de consistance moyenne. Mais ici il y a une très-grande surcharge. Le couronnement des murs est dominé par un coteau dont la hauteur égale une ou deux fois celle du mur. Dans ce cas, au lieu d’avoir un prisme de terre triangulaire, comme a b c (Fig. 1, Pl. 9), on a à soutenir la charge d’un prisme trapézoïde a b d e ou a b f g, dont la section transversale est de trois à quatre fois plus considérable que celle du triangle a b c. Mais il est des terres, telles que les marnes, qui jouissent de deux propriétés distinctes : 1o la propriété absorbante qu’elles tiennent de la chaux ; 2o la propriété onctueuse qu’elles doivent à l’alumine. Quoique ces marnes soient en apparence très-dures, elles sont susceptibles de se gonfler en absorbant l’eau ; elles acquièrent ainsi une sorte de fluidité en vertu de laquelle elles agissent à la manière des liquides. (Mémorial du Génie. no  13. p. 181.) Il est des argiles qui, quand elles sont fortement mouillées, ont une mobilité quelquefois égale à celle de l’eau. On a calculé leur poussée comme celle d’un liquide d’une densité double de celle de l’eau. (Sganzin. Cours de construction, t. I, page 128.)

Les terres marneuses formant le sous-sol du cimetière de l’Est ne sont pas peut-être exposées à l’action d’une assez grande quantité d’eau pour se liquéfier, ainsi que nous venons de le