Page:Revue générale de l'architecture et des travaux publics, V4, 1843.djvu/155

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Nous allons maintenant proposer quelques remèdes aux inconvénients que nous avons signalés. Ainsi que nous lavons démontré, l’infiltration des eaux pluviales produit, dans le cimetière de l’Est, trois inconvénients graves, qui sont : l’inondation des sépultures, l’éboulement des berges et le renversement des murs de terrasse et des tombeaux qui y sont adossés. Pour arrêter le cours de ces infiltrations, on creuserait, dans les allées principales les plus rapprochées du périmètre du plateau, une suite continue de tranchées dont le fond aurait diverses pentes, convergeant toutes, autant que possible, vers une issue commune.

Ces tranchées, dont la profondeur serait de 3 à 5 mètres, et la largeur de 0m 60 cent. (Voy. la coupe, Fig. 2, Pl. 9), seraient munies à leur partie inférieure d’un caniveau en béton de 16 à 20 centimètres de large, enduit en mortier de chaux hydraulique, et recouvert d’une suite de forts moellons bruts dans toute son étendue. Le surplus de la fouille serait rempli de cailloux et pierrailles sèches jusqu’à 15 ou 20 centimètres au-dessus de la face supérieure du banc de marne imperméable, et le reste serait rempli avec de la terre provenant de la fouille.

D’après ces dispositions, on conçoit facilement que les eaux pluviales seront interceptées dans toutes les directions par ce système de pierrées, soit qu’elles s’écoulent sur la surface de la couche imperméable, soit qu’elles y arrivent nu travers des fissures des touches inférieures. Elles descendront nécessairement au fond de la tranchée au travers des pierrailles, et aussitôt qu’elles seront arrivées aux bords inclinés du caniveau, elles seront entraînées, par les pentes combinées des rigoles, dans un fort tuyau en fonte de fer placé à la réunion générale de toutes les pentes, qui les conduira sur le boulevard ou dans l’égout le plus voisin[1]. (Voy. Fig. 3, Pl. 9.)

Pour surveiller et prévenir l’engorgement ( peu probable du reste ) des caniveaux, il serait établi des regards à toutes les intersections des rigoles (Voy. Fig. 3 et 4) ; une grille très-serrée serait placée à l’embouchure de l’égout pour empêcher l’introduction des rats dans les caniveaux ; car ces animaux pourraient les dégrader ou les obstruer en y faisant leurs nids.

Les eaux tombées sur le plateau seront absorbées par la grande ligne méridionale des pierrées et elles n’iront plus dégrader les escarpements ; tandis que celles qui tomberont sur les terres en culture, vers le Nord du plateau, seront interceptées par la grande tranchée du Nord.

Ce système est infiniment préférable aux puisards, dont la capacité est très-restreinte et la sphère d’action fort limitée, en admettant qu’elle soit efficace[2].

On objectera peut-être que les eaux pluviales qui tomberont sur les parties éloignées des rigoles se précipiteront d’abord dans les cavités sépulcrales les plus voisines et qu’elles y séjourneront comme par le passé ; mais il est évident que dans tous les cas elles ne pourront y rester longtemps, trouvant un écoulement facile par les rigoles qui les entourent en passant par les intervalles qui séparent les murs des caveaux. Ceux-ci, généralement, ne sont pas séparés par des terres, et partout où les eaux rencontreront de minces cloisons en terre, elles se seront bientôt frayé un passage au travers.

Quelques menues pierrées s’embranchant sur les grandes pourront être pratiquées dans les parties où l’élude approfondie du terrain et l’expérience en démontreraient la nécessité.

On pourrait également tirer parti des caniveaux pour l’écoulement des eaux des allées où se forment quelquefois des ruisseaux qui causent des dégradations dans les parties en pente. Il suffirait de faire ces caniveaux sur une plus grande échelle, et de faire précéder chaque bouche de chute d’une cuvette dépuration pour retenir les sables et autres corps entraînés par les eaux.

Nous avons dressé un devis détaillé de la dépense, dont voici le résumé :

Chaque mètre linéaire de pierrée, compris terrasse, maçonnerie, remblai en cailloux de la plaine, coûterait 24 fr. 10 c. Le développement total étant d’environ 1400 mètres, la dépense s’élèverait alors à 33 740 fr.

Chaque mètre linéaire dégoût, composé d’un tuyau en fonte de 20 centimètres de diamètre avec joints en bitume à 14 fr. 10 c, et pour la longueur jusqu’au boulevard qui est d’environ 270 mètres … 3 807

Il y aurait huit regards coûtant chacun, d’après détails, 254 fr. 25 c … 2 034

Total général … 39 581

En remplisssnt les pierrées avec des recoupes de pierres et menues pierrailles ramassées dans le cimetière, on réduirait la dépense de 4 fr. par mètre au moins ; soit pour les 1400 … 5 600 f.

Resterait en dépenses … 33 961

Il est inutile de dire que cette dépense, tout élevée qu’elle paraisse, est minime en la comparant aux sommes considérables que produit la vente des terrains du cimetière : mais nous dirons qu’elle doit s’effacer devant le bien immense que ferait un

  1. Nous proposons ce tuyau comme plus économique qu’un égout en maçonnerie ; ce tuyau ayant beaucoup de pente et les eaux étant limpides, il remplacerait très-bien un égout en maçonnerie. Comme il est possible que ces tranchées rencontrent des filets d’eau ne tarissant jamais, on pourrait creuser au milieu du cimetière une citerne pour l’arrosement des fleurs qu’on cultive sur les sépultures. On tirerait ainsi un utile parti de ces eaux ; et ce qui est encore aujourd’hui une cause de ruine et de destruction, deviendrait bientôt une source d’embellissement, de charme, dans ce dernier jardin des morts.
  2. Il y a, dans tout le cimetière, trois puisards qui, en somme, ne contiennent pas 80 mètres cubes d’eau, et dont ils peuvent déverser une partie dans les caveaux voisins, par infiltration.

    On estime a 53 centimètres l’épaisseur moyenne de la couche d’eau qui tombe annuellement sur le sol du département de la Seine, et on peut porter a 30 centimètres celle qui tombe pendant la mauvaise saison, du 1er octobre au 1er mai suivant. La partie du plateau du cimetière comprise dans la circonvallation de notre système de pierrées est d’environ 50 000 mètres carrés, et la surface totale du plateau comprise dans l’enceinte du cimetière est d’environ 60 000 mètres, lesquels, a 30 centimètres d’épaisseur, reçoivent une masse d’eau de 18 000 mètres cubes. En supposant qu’il ne s’en infiltre que la moitié dans la terre, on aura encore 9000 mètres cubes d’eau a absorber par des puisards qui ne contiennent pas collectivement 100 mètres cubes.