Page:Revue générale des sciences pures et appliquées T. 27-1916.djvu/471

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
461
DU PROBLÈME DE L’ATLANTIDE

en face de l’embouchure du Sebou. Entre ce point et la ligne de fonds relativement élevés que
Fig. 3. — Bathymétrie de l’Atlantique entre les archipels de Madère et des Canaries et les côtes occidentales de l’ancien continent, d’après Donnelly. — Les profondeurs sont indiquées en brasses.
marquent le banc de Gettysburg (36° 30′ lat. N, 12° long. W), le banc de Seine (33° 45′ lat. N., 14° 30′ long. W) et la plate-forme sur laquelle s’élève l’archipel de Madère, se trouve un ravin étroit, orienté du SW au NE, dans lequel on a enregistré des coups de sonde de 4 400 mètres.

Cette même direction est approximativement celle qui est marquée par la ligne d’affleurements éruptifs Hierra-Gomera-Ténérife-Salvajes et sa parallèle Fuerteventura-Lanzarote-Isletas-Banc de Concepcion (30° lat. N., 12° 45′ long. W).

Enfin, la pose des câbles sous-marins a démontré le caractère abrupt et accidenté des bords des îles Ténérife, Grande Canarie et La Palma, ainsi que la grande profondeur des détroits intermédiaires ; entre Ténérife et La Palma, on a sondé jusqu’à 3 250 mètres, et dans le canal, beaucoup plus étroit, qui sépare Ténérife de la Grande Canarie, la sonde est descendue jusqu’à 3 300 mètres.

La nature volcanique de tous les archipels atlantiques, leur orientation générale et jusqu’à la disposition des îles dans chacun d’eux, semblent nous parler de grandes lignes de fracture par où les matériaux internes ont été rejetés à l’extérieur. Ces fractures et les émissions volcaniques qui les ont traversées ne peuvent devoir leur origine qu’à des mouvements tectoniques. Aussi, en constatant l’orientation uniforme du phénomène, concordant avec celle des lignes orographiques dominantes, l’idée du géosynclinal nous paraît très séduisante.

Nous savons peu de chose, pour ne pas dire presque rien, sur la nature des fonds océaniques. Par suite de la difficulté de recueillir des échantillons, les explorateurs se sont bornés jusqu’à présent à en déterminer la topographie, en négligeant leur nature. Les spécimens de roches sous-marines sont rares et de faibles dimensions. Le problème, cependant, est d’intérêt primordial, et il ne paraît pas impossible d’imaginer des mécanismes permettant d’arracher au fond marin des fragments qui en révèlent la constitution lithologique.

Paul Lemoine, dans un travail récent, a attiré l’attention sur ce même point et a montré le parti qu’on pourrait tirer de la connaissance des roches sous-marines[1]. En effet, les observations sporadiques ont démontré l’existence des matériaux suivants : 1o dans le banc de Rockhall ( à l’W des Hébrides), roches à hornblende ; 2o dans le banc Porcupine (en face du littoral de Mayo et Galway, en Irlande), gabbros ; 3o basaltes au S du Porcupine et à l’W de l’extrémité méridionale de l’Irlande ; 4o syénites néphéliniques à 240 kilomètres au SW de l’Irlande. Or la ligne N-S formée par ces pointements de roches éruptives passe très près du littoral ibérique et vient les réunir à la grande masse de même origine de la Sierra de Monchique, au sud du Portugal. Il semble donc très logique d’admettre l’existence d’une grande fracture qui expliquerait beaucoup de phénomènes tectoniques de l’Europe occidentale, entre autres la forme des côtes atlantiques de la Péninsule ibérique, la présence de grands fonds à leur proximité et peut-être quelques-uns des mouvements qui, aux temps néogènes, ont affecté probablement le plateau qui forme le noyau du massif ibérique.

Sans doute, il faut être très prudent dans l’interprétation de documents si clairsemés et ne pas chercher à tirer de conclusions prématurées qui pécheraient par leur hardiesse. Du simple

  1. P. Lemoine : La géologie du fond des mers. Annales de Géographie, 1912.