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autrement vaste et d’exécution plus difficile : rétablir l’orthodoxie dans le midi de l’ancienne Gaule et en extirper les hérétiques ; sans plus réfléchir, elle choisit et emploie presque exclusivement les moyens que les mœurs du temps lui indiquent et dont elle trouve la justification dans l’Ancien Testament : la terreur. Cent ans suffiront à la tâche, qui sera complète, si bien qu’à partir de 1330 ou environ les tribunaux exceptionnels institués par elle ne fonctionneront plus, faute de victimes à condamner, et encore, pour fournir un aliment à l’activité des juges, a-t-on dû les charger de poursuivre des sectes toutes différentes de la secte cathare : Vaudois des Alpes et du Dauphiné, Spirituels, disciples de Joachim de Flore, Apostoliques, sectes nées du bouillonnement mystique qui agite le midi de l’Europe à la fin du xiiie et au commencement du xive siècle. Plus tard, au xve siècle, l’inquisition reprendra une nouvelle activité dans le nord de la France et dans les Pays-Bas, lors de la vaudoiserie d’Arras.

Après ce court résumé historique, M. Tanon entre en matière et s’attache à l’étude proprement dite des tribunaux d’inquisition (p. 127). Dans un premier chapitre, il étudie brièvement les sources diplomatiques et juridiques de celle étude ; aux registres proprement dits, il joint les traités théoriques des canonistes du xiiie et du xive siècle ; puis il passe à l’organisation même du tribunal : nombre, qualités et pouvoir des inquisiteurs ; agents employés par eux ; dépenses et ressources de la cour. Vient ensuite l’étude de la compétence : 1o quant à la matière ; l’auteur examine successivement les différents délits dont connaissent ces tribunaux, les doctrines et les faits dont l’examen leur est dévolu ; 2o quant au lieu ; 3o quant à la personne ; tous les fidèles, moins les évêques, les chefs d’ordre et le pape, sont justiciables des inquisiteurs.

M. Tanon étudie ensuite la procédure d’inquisition ; elle a pour base la procédure romaine : c’est une procédure accusatrice, qui permet à toute personne privée de se porter comme accusatrice, de poursuivre devant les tribunaux la punition d’une infraction aux lois. La dénonciation, perfectionnée et généralisée, est donc la base même, le point de départ de l’action des inquisiteurs. Mais ceux-ci procèdent également d’office et, dès avant l’établissement de l’inquisition, ce mode de procédure a été employé pour la répression de l’hérésie, délit insaisissable, difficile à établir et à déterminer. Vers le même temps, les tribunaux appliquent les épreuves judiciaires, la question pour obtenir les aveux du coupable ou forcer la conviction du juge. M. Tanon en profite pour donner sur les ordalies des détails fort curieux, puisés aux meilleures sources, et montre comment dès le xiie siècle de bons esprits condamnaient ces modes de procédure enfantins.