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bardes et celles de Warnkœnig[1] sur les villes flamandes. On peut les considérer comme le point de départ de cette série de monographies qui ont tant contribué depuis à l’avancement de la science. Comme il arrive si souvent en matière d’érudition, les systèmes d’ensemble avaient précédé les travaux d’analyse, et ceux-ci, à leur tour, se retournant contre ces brillantes généralisations, en dévoilaient la faiblesse et l’insuffisance. Déjà Warnkœnig hésite entre les diverses doctrines sans se décider pour aucune d’elles. Manifestement, il n’en trouve pas qui puisse rendre compte de tous les éléments du problème[2].

Toutefois, des systèmes nouveaux n’allaient pas tarder à surgir, à la fois plus complets, plus pénétrants et plus précis que ceux de la première heure. Avec eux, peut-on dire, les études d’histoire municipale entrent dans l’âge mûr.

C’est en 1854 qu’un des historiens les plus distingués de ce siècle, mais dont malheureusement les travaux sont trop inconnus en dehors d’Allemagne, W. Arnold, publia sa Verfassungsgeschichte der deutschen Freistädte[3]. Par l’influence qu’a exercée ce livre, par les recherches qu’il a provoquées, on peut, sans exagération, le comparer au Beneficialwesen de Roth, qui parut presque en même temps.

Arnold a borné ses recherches aux seules villes qui portent, dans l’histoire du droit allemand, le nom de Freistädte (villes libres) : Cologne, Mayence, Worms, Spire, Strasbourg, Bâle et Ratisbonne. Dans ces villes qui sont toutes, comme on sait, des cités épiscopales, la constitution urbaine s’est dégagée, d’après lui, de meilleure heure et plus complètement que partout ailleurs. C’est à l’époque franque qu’il faut remonter pour en trouver le point de départ.

Dès le viiie siècle, on voit les évêques obtenir des privilèges d’immunité pour les territoires de leurs églises. En vertu de ces privilèges, la familia non libre de ces églises se trouve placée sous la juridiction domaniale[4] de l’évêque et soustraite à l’action des pou-

  1. Flandrische Staats und Rechtsgeschichte, t. II. Tübingen, 1835.
  2. Voy. Warnkœnig, op. cit., p. 332 et suiv.
  3. Parmi les autres ouvrages d’Arnold, un des plus importants est son histoire de la propriété dans les villes (Zur Geschichte des Eigenthums in den deutschen Städten. Bâle, 1861), où il a abordé le premier un sujet d’un rare intérêt.
  4. J’emploierai dans les pages suivantes les mots de « juridiction domaniale » et de « droit domanial » pour désigner la juridiction et le droit que les érudits allemands appellent Hofrecht. On ne peut employer dans ce sens ni l’expression de « juridiction seigneuriale, » qui dit trop, ni celle de « juridiction domestique, » qui dit trop peu.