Page:Revue historique - 1895 - tome 57.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tenure libre. En France et en Allemagne elle présente les mêmes caractères[1]. Elle n’entraîne plus aucune sujétion personnelle du preneur vis-à-vis du bailleur. Elle est librement transmissible, librement aliénable.

C’est naturellement sur les parties du sol dépendant à l’origine du pouvoir public que la tenure libre a dû apparaître tout d’abord. Mais de là elle se répand de proche en proche. À Étampes, on la voit s’appliquer aux octaves, terres primitivement serviles[2]. À Arras, le monastère de Saint-Vaast divise son verger en lots qu’il donne à cens aux bourgeois[3]. À Reims, les archevêques répartissent de même des parties considérables de leur domaine[4]. Par suite de l’immigration continuelle, de l’augmentation constante de la population, les terrains à bâtir sont de plus en plus demandés. Depuis le commencement du xiie siècle, la mansionaria terra ne cesse d’augmenter au détriment des immunités.

Il est rare que les seigneurs aient abandonné le sol en toute propriété aux immigrants. Habituellement, ils se réservent sur chaque tenure un cens récognitif de leur dominium. Mais ce cens est partout des plus modiques. À Fribourg-en-Brisgau, les areae distribuées aux marchands ne doivent qu’un sou par an au duc de Zaehringen[5]. En Champagne, les maisons ne paient, en général, que six deniers[6]. Par-dessus ce cens primitif, le tenancier peut, à son gré, constituer des cens nouveaux (surcens, crois de cens, gros cens, etc.) ou des rentes foncières[7]. Le cens seigneurial est invariable et imprescriptible ; il

    Annalen des historischen Vereins für den Niederrhein, 1884. Même expression à Anvers. Willems, Brabantsche Yeesten, I, p. 621. Ailleurs, on trouve le nom de bona emphitheotica, emphiteosis (Gengler, Stadtrechte, p. 78, 344, etc.).

  1. Pour l’Allemagne, voyez Gierke, Genossenschaftsrecht, III, p. 675 et suiv. — Von Maurer, Stadtverfassung, I, p. 434 et suiv. — Arnold, Geschichte des Eigenthums in den deutschen Städten. — Schroeder, Lehrbuch der deutschen Rechtsgeschichte, p. 599. — Sohm, Entstehung des Städtewesens, p. 62. Tous les caractères de la tenure urbaine en Allemagne se retrouvent dans la tenure urbaine en France.
  2. Charte d’Étampes (Ordonnances, XI, p. 211) : quod quicumque voluerit emat terram quae dicitur Octave, salvis consuetudinibus nostris, nec ob hoc emptor servus noster efficiatur.
  3. Guiman, Cartul. de Saint-Vaast d’Arras (éd. Van Drival), p. 155.
  4. Varin, Archives administratives de Reims, I, p. 403, 458, 502.
  5. Gengler, Stadtrechte, p. 125.
  6. Bibl. de l’École des chartes, 1858, p. 439. À Reims, l’archevêque abandonne ses culturae aux bourgeois, moyennant un cens de 12 deniers par pertica.
  7. Milites vendiciones habebunt domorum et terrarum suarum, tensualium videlicet de quibus censum percipiunt : sed incrementum census burgensium erit. Ordonnances, XI, p. 207. Cf. Beaumanoir, éd. Beugnot, I, p. 349. Pour l’Allemagne, voyez Gothein, loc. cit.