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douter non plus que l’abolition des droits domaniaux par la charte de 1127 n’ait été effectuée sous la pression de la commune jurée qui est antérieure à ce privilège[1].

Et ce qui est vrai du royaume de France ne l’est pas moins de l’Allemagne. Dans les contrées rhénanes, comme en Champagne, en Picardie et en Flandre, les textes mentionnent souvent des associations jurées de la bourgeoisie conclues contre le seigneur. Au commencement du xiie siècle, en 1112, une conjuratio pro libertate nous apparaît à Cologne[2]. À Trêves, un peu plus tard, les habitants se constituent révolutionnairement en commune[3]. Mayence et Spire nous présentent des exemples analogues[4].

Il existe enfin une troisième raison qui rend compte de la formation du lien communal : je veux dire la nécessité, ressentie de très bonne heure dans les villes, de posséder un système d’impôts. Il fallait, en effet, se procurer les sommes nécessaires à l’établissement des travaux de défense de la commune. La construction du mur urbain a été partout le point de départ des finances urbaines[5]. Mais l’impôt municipal n’est pas et ne peut pas être à l’origine un impôt public. Il lui manque la garantie de l’État. Il faut donc suppléer à celle-ci et on n’y peut suppléer que par l’association. À la contrainte légale, on substitue la contrainte fondée sur le consentement unanime de tous les contribuables. La commune impose à ses membres le devoir de la soutenir de son argent. Qui se refuse à en supporter les frais en est exclu. Elle ne s’ouvre qu’à celui qui paye l’impôt urbain, et la participation aux avantages qu’elle procure est strictement subordonnée à la participation aux charges qu’elle entraîne[6].

    Videns Ingelramnus comes, ex conjuratione burgensium, sibi jura vetusta recidi.

  1. Les termes mêmes de la charte de Saint-Omer (Giry, Saint-Omer, p. 373, § 12) prouvent que la commune est antérieure à l’octroi de ce document.
  2. Hegel, Städte und Gilden, II, p. 326.
  3. Schoop, Verfassungsgeschichte von Trier, p. 103.
  4. Kœhne, Die Entstehung der Stadtverfassung in Worms, Speyer und Mainz, p. 287. Cf. Waitz, op. cit., VII, p. 399, et K. Schaube, op. cit., p. 41.
  5. De là vient que dans un très grand nombre de villes une partie des amendes est affectée ad opus castri. Pour l’Allemagne, voyez des exemples dans Varges, op. cit., p. 170. Cf. Zeumer, Die deutschen Städtesteuern, p. 93. Pour la France, charte de Saint-Quentin : a villa bannietur aut de suo ad reficiendas firmitates accipietur. Dans les villes liégeoises, l’impôt communal porte le nom caractéristique de fermeté. Pirenne, Dinant, p. 56. À Angers, les plus anciens comptes municipaux sont ceux de la clouaison, fortiffication et emparement de la ville. Giry, Établ. de Rouen, I, p. 232.
  6. Zeumer, Die deutschen Städtesteuern, p. 71.