Page:Revue historique - 1895 - tome 57.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

membres sont solidaires les uns des autres, nul ne peut s’affranchir de la participation aux dépenses communes. Or, en fait, le propriétaire peut seul y participer, puisque seul il est en mesure de payer l’impôt. Et l’on comprend ainsi que, dès l’origine, la qualité de bourgeois étant inséparable de celle de contribuable, l’est en même temps de celle de propriétaire.

À cette première raison, tirée du caractère même de la commune, s’en ajoute une seconde de nature plus spécialement juridique. Il faut, pour que le bourgeois puisse répondre en justice, que sa fortune soit, en quelque sorte, le garant du payement éventuel de l’amende. Il faut qu’il ait à perdre, que ses biens puissent être saisis. La charte de Laon nous fournit ici encore un texte très clair : Quicumque in pace ista recipietur, y lit-on, infra anni spacium aut domum sibi edificet… aut tantum sue mobilis substantie in civitatem afferat, per que justiciari possit, si quid forte in eum querele evenerit[1]. On nous permettra d’invoquer aussi, par analogie, en faveur de notre thèse, certains règlements de métiers, dans lesquels on voit que l’artisan doit porter un habit d’une valeur au moins égale à celle de l’amende qu’il peut encourir. Dans ce cas, en effet, l’habit sert évidemment de caution éventuelle pour l’acquittement de cette amende[2].

Reconnaissons maintenant que la propriété urbaine a été de très bonne heure, sinon en droit, du moins en fait, propriété foncière. Les mercatores enrichis par le commerce ne pouvaient trouver, pour leurs bénéfices, de meilleurs placements que les fonds de terre. Les Gesta episcoporum Cameracensium nous racontent avec force détails l’histoire d’un grand négociant qui, par des achats successifs d’immeubles et de cens, devint en peu d’années un des principaux personnages de la ville[3]. Un peu plus tard, nous pouvons constater partout des faits analogues. Ces opulents rentiers dont les familles, au xiiie siècle, se partagent presque tout le sol urbain, descendent de marchands qui, leurs capitaux aidant, se sont transformés en grands propriétaires[4].

  1. Giry, Documents, p. 18. Add. Charte d’Abbeville, § 8. Monum. de l’hist. du tiers état, IV, p. 10. Charte d’Altenburg. Gengler, Stadtrechte, p. 6. Charte d’Eisenach, ibid., p. 102. Charte de Francfort, ibid., p. 116. Charte de Vienne, ibid., p. 531. L’homme sans fortune est inutilis villae. Il ne peut faire partie de la commune, où il serait une cause de troubles et de discorde. À ce point de vue, son exclusion s’explique comme celle du lépreux. Lefranc, Noyon, p. 53. Luchaire, op. cit., p. 49.
  2. Huyttens, Recherches sur les corporations de métiers, p. 214. Giry, Saint-Omer, p. 560.
  3. Gesta pontif. Camerac., éd. De Smet, p. 122 et suiv.
  4. Au xiiie et au xive siècle, le patriciat urbain comprend un fort grand