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par eux. Romaines ou non romaines d’origine, sièges d’un évêché, d’un monastère ou d’un château, libres ou soumises au droit domanial, elles ne commencent à acquérir une constitution municipale que du jour où, à côté de leur population primitive, vient se fixer une autre population, vivant essentiellement de commerce et d’industrie. Il est donc essentiel, avant d’entreprendre l’analyse de la population urbaine, de jeter tout d’abord un coup d’œil rapide sur la condition et le genre de vie des marchands pendant les temps antérieurs à la formation des villes.

C’est à l’époque carolingienne que nous apparaît pour la première fois le type du marchand médiéval[1]. La Translatio SS. Marcellini et Petri[2] et les Miracula S. Goaris[3] nous montrent les mercatores montant et descendant, avec leurs barques, le Rhin et le Mein. Outre leurs cargaisons de blés ou de vins, provenant sans doute de l’excédent de la production des grands domaines, ils transportent des passagers, des pèlerins, des malades qu’ils débarquent aux sanctuaires célèbres. À côté de ces marchands navigateurs[4], d’autres, plus modestes, nous apparaissent comme de simples colporteurs dont toute la fortune consiste en un âne et une légère pacotille[5].

Ces marchands carolingiens sont essentiellement des êtres errants. Leur genre de vie consiste à voyager, vendant et achetant, de foire en foire, de portus en portus. Au milieu d’une société où presque tous les hommes sont plus ou moins étroitement attachés au sol, ils mènent une existence vagabonde. Comme les pèlerins, ils passent sans s’arrêter nulle part. Dans les régions qu’ils traversent, on les considère comme des étrangers, et, de fait, un grand nombre d’entre eux, Juifs ou Lombards d’origine, n’ont vraiment rien de commun avec les populations de l’Europe occidentale[6]. Ainsi, ils vivent en dehors des con-

  1. Sur les origines du commerce au moyen âge, voyez Lamprecht, Der Ursprung des Bürgerthums und des städtischen Lebens in Deutschland (Historische Zeitschrift, LXVII, 1891). — Doren, Untersuchungen zur Geschichte der Kaufmannsgilden des Mittelalters, p. 17 et suiv. Inama-Sternegg, Wirthschaftsgeschichte, I, p. 447 et suiv. — Je ne parle naturellement ici que des marchands de profession qui existaient déjà certainement au ixe siècle.
  2. Mon. Germ. Hist. Script., XV. Cf. W. Matthaei, Die Translatio SS. M. et P. in kulturgeschichtlicher Beziehung.
  3. Mon. Germ. Hist. Script., XV, p. 361 et suiv.
  4. Outre leurs bateaux, ils possédaient aussi des esclaves, comme on le voit par la Translatio Marcell. et Petri.
  5. Waitz, Verfassungsgeschichte, IV, p. 43, n. 1, cite un texte où il est question d’un mercator, propriétaire d’un âne, quem de civitate in civitatem onustum ducens, quidquid in una villa emebat, carius vendere satagebat in alia.
  6. Inama-Sternegg, op. cit., I, p. 447.