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COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

pas aisément d’une haleine. L’auteur, préoccupé d’être complet, n’a pas toujours pris le temps d’être clair. Il faut dire que l’habitude juridique de faire passer les idées et les définitions avant les faits, lesquels sont invoqués à l’appui, mais détachés des conditions de lieu et de temps qui les expliquent, est le contre-pied de la méthode historique. Le mélange des deux procédés produit une combinaison un peu trouble, sans compter que l’abondance de synonymes nuancés, fournis par deux vocabulaires, le latin et l’allemand, contribue parfois à donner à la pensée une forme indécise. Enfin, l’absence presque complète de chronologie suggérera à plus d’un lecteur de M. S. l’idée d’aller demander les renseignements qu’on lui refuse au travail publié, en 1887, par M. Ch. Lécrivain ([De agris publicis imperatoriisque ah Augusti tempore usque ad finem imperii Romani), qui, lui, tant pour l’origine des propriétés impériales que pour leur administration, distingue soigneusement les époques.

Il n’en reste pas moins que M. S. a fait œuvre sérieuse et utile, et que son livre, tenu au courant des plus récentes trouvailles épigraphiques par un appendice (p. 133-139), est de ceux qu’il faut garder à portée de la main. Au delà du Rhin, ou plutôt au delà de l’Elbe et ailleurs encore, la première et la dernière page ne risquent pas de passer inaperçues. C’est en songeant aux grands propriétaires de la Sicile et aux hobereaux prussiens que l’auteur répète, comme conclusion, le mot de Pline : latifundia perdidere Italiam.

A. Bouché-Leclercq

Augustin Bernard. De Adamo Bremensi Geographo. Thesim Facultati Litterarum Parisiensi proponebat. Paris, Hachette, 1895. In-8o, 104 pages.


Adam de Brème était un Saxon d’origine, amené à Brème par l’archevêque Adalbert en 1069, devenu chanoine et maître d’école dans cette ville, où il composa, vers 1075, un ouvrage intitulé : Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum. C’est surtout un livre d’histoire. Mais, Brème étant à la fois un centre ecclésiastique et commercial pour les pays du Nord, et son archevêché ayant dans son ressort tous les états Scandinaves, Adam se trouve amené, à propos des événements historiques, à décrire les contrées qui en sont le théâtre, c’est-à-dire la Saxe, la Slavonie, le Danemark, la Suède, la Norvège, l’Angleterre. Son quatrième et dernier livre est même une sorte de traité géographique intitulé, selon les manuscrits : De Situ Daniæ, De Insulis Aquilonis, Descriptio Aquilonis ou Descriptio Insularum Aquilonis.

Adam avait peu voyagé : en dehors de l’Allemagne, il semble n’avoir visité que l’île de Seeland. Mais à Brème il avait pu recueillir de nombreux renseignements, soit des marchands normands qui visitaient ce port, soit de l’archevêque Adalbert, soit du roi Suein (Svend). Il s’est servi aussi de sources écrites, qu’il mentionne : la vie de saint Willibrod,