Aller au contenu

Page:Revue historique - 1896 - tome 62.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Bâtard la valeur des 30,000 écus en monnaie, en joyaux ou « en vaisselle de cuisine et bouteillerie. » Il s’était entouré d’un réseau protecteur de termes, de sûretés, d’hypothèques, et l’avenir justifia ces précautions. Sa fille échappa, en effet, malgré ces secondes épousailles, au comte Jean une fois encore. Et ce fut François de Rieux et de Rochefort, comte d’Harcourt, qui l’obtint[1]. Rohan fut obligé pour avoir failli à sa foi de gentilhomme, de donner réparation d’honneur à Charles d’Orléans et à son frère[2].

La vanité du comte essuya d’autres humiliations. Des ambassades furent vainement échangées entre Orléans et Amédée VIII, au sujet de Marguerite de Savoie, veuve de Louis III, roi de Sicile[3]. L’alliance d’Amédée VIII, qui se gardait l’amitié du roi d’Angleterre et de Philippe de Bourgogne, eût été cependant bien précieuse à tenir !

Très inutilement aussi, le comte prétendit à la main d’une autre veuve, Jeanne de Béthune, un des partis les plus magnifiques du temps. On avouait, sans ambages, avoir « regard aux grands biens dont elle estoit si espécialement garnye ; » et Charles débutait par solliciter d’elle 100,000 écus ; le mariage garantirait le prêt. — Pour toucher le cœur de la jeune douairière, il parut que c’était là trop de franchise[4].

Un sixième et dernier essai n’eut pas de suites plus sérieuses que les cinq autres, quand Raoul de Gaucourt, député à Frédéric IV, roi des Romains, lui demanda une de ses parentes avec une dot de 100,000 ducats pour Jean d’Angoulême, « quarte personne de la couronne de France[5]. »

Ainsi, l’on avait eu beau concerter les mesures les plus ingénieuses, on n’avait réussi ni par la rançon d’un prisonnier de qualité ni par la dot d’une fille de grande naissance à se procurer les sommes que les deux fils de Louis de France demandaient sans succès à leurs domaines. Les événements avaient contrarié tous les projets.

  1. François était fils de Jean III, sire de Rieux et de Rochefort, et de Jeanne d’Harcourt. Il était mort le 25 juin 1459 ; cf. 23 juillet 1459, Arch. nat., X1a 1484, p. 62 ro. François épousa Jeanne de Rohan par contrat du 11 février 1442.
  2. Devant la Chambre des requêtes et devant le Grand Conseil du roi. Cf. X1a 1483, fol. 302, etc.
  3. Dès 1431. Brit. Mus., Addit. chart. 3837, 3839. — Bibl. nat., fr. 6211, 507. — Cf. Beaucourt, Ch. VII, II, 92 ; III, 86 et suiv.
  4. Arch. nat., K. 55313 ; K. 6711 bis ; K. 72, 563. Jeanne de Béthune, mariée à Robert de Bar, seigneur d’Aisy, tué à Azincourt ; remariée le 23 novembre 1418 à Jean de Luxembourg ; elle mourut en 1459.
  5. Arch. nat., K. 582. — Cf. Beaucourt, Ch. VII, II, 330 et n. 2. — Frédéric IV, né en 1415, roi des Romains en 1440, roi de Lombardie et empereur d’Allemagne en 1452, mourut en 1493. Chacun sait qu’il fut le père de Maximilien.