jusque-là ne pouvait passer sans protestations. Les disciples de Ranke, les Jungrankianer, pour employer l’expression par laquelle ils se désignent eux-mêmes, l’attaquèrent résolument. Une polémique s’engagea, d’ailleurs assez confuse et à laquelle il semble que des considérations personnelles n’aient pas toujours été étrangères[1]. Jusqu’ici, l’offensive s’en est tenue à la critique. Elle a entrepris de ruiner les idées de l’adversaire, elle n’a pas formulé les règles d’une méthode destinée à remplacer la sienne. De son côté, M. Lamprecht a cherché à justifier le bien-fondé de ses principes. Ses brochures, intitulées Alte und neue Richtungen in der Geschichtswissenschaft et Was ist Kulturgeschichte?[2] (1896), traitent des plus hautes questions qui puissent intéresser un historien. Écrites par un penseur dont ses contradicteurs les plus passionnés reconnaissent unanimement la haute valeur, par un homme qui a fait ses preuves comme érudit et à qui on ne peut reprocher de parler de l’histoire sans l’avoir pratiquée, elles méritent à coup sûr d’être connues en dehors de l’Allemagne.
On peut aisément caractériser la méthode de M. Lamprecht. Elle consiste à considérer l’histoire du point de vue des sciences sociales. Dès lors, au lieu de mettre l’individu au premier plan et de voir dans l’État l’objet essentiel des recherches historiques, on s’attachera avant tout à expliquer le développement national d’un peuple par les facteurs naturels et collectifs dont il est le résultat. La psychologie des peuples et la sociologie montrent que le développement social est conditionné, non seulement par le climat, le sol, la faune, la flore, etc., mais aussi par un certain nombre « de manières d’agir, de penser et de sentir extérieures à l’individu et s’imposant à lui. » L’action
- ↑ F. Rachfahl, Deutsche Geschichte vom wirthschafltichen Standpunkt (Preussiche Jahrbücher, janvier 1896). — M. Lenz, Lamprecht’s Deutsche Geschichte (Historische Zeitschrift, XLI). — H. Finke, Die kirchenpolitischen und kirchlichen Verhältnisse zu Ende des Mittelalters nach der Darstellung K. Lamprechts (Römische Quartalschrift, IV, suppl.) et Genetische und klerikale Geschichtsauffassung. Münster, 1897. — O. Hintze, Ueber individualistische und kollektivistische Geschichtsauffassung (Historische Zeitschrift, XLII).
- ↑ Tirage à part de la Deutsche Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, 1896. — Il faut ajouter à ces deux travaux quelques courts articles publiés par M. Lamprecht dans la revue Die Zukunft : Das Arbeitsgebiet geschichtslicher Forschung (no du 7 au 14 nov. 1896) ; Eine Wendung im geschichtswissenschaftlichen Streit (no du 14 au 2 janvier 1897). — Les idées exposées par M. K. Breysig, dans son article Ueber Entwickelungsgeschichte, se rapprochent beaucoup de celles de M. Lamprecht.