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Page:Revue militaires suisse - 47e année - 1902.djvu/458

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La double chaîne d’hommes qui se font face n’absorbe pas la totalité des effectifs. Outre qu’elle n’est pas continue, qu’elle est à claire-voie et, par conséquent, plus comparable à une grille qu’à une muraille, elle n’a pas besoin d’avoir une grande densité, tant la puissance de l’armement supplée au nombre. À la vérité, il me semble qu’en insistant sur cette vertu du matériel nouveau et sur l’inutilité d’employer beaucoup de monde à la bataille défensive, on perd un peu trop de vue la durée même de cette bataille. On prédit qu’elle se prolongera pendant plusieurs jours de suite, comme ces interminables engagements amorphes et indécis qui ont donné à la guerre de Sécession d’Amérique une physionomie si curieuse. Et peut-être, en effet, en sera-t-il ainsi. Mais alors les mêmes combattants ne pourront soutenir un pareil effort : il faudra les relever ; il faudra les ravitailler ; il faudra enlever les morts et les blessés. Toutes ces opérations, qui ne peuvent guère s’effectuer qu’à la faveur des ténèbres, exigent des réserves. Il faut du monde aussi pour préparer les positions de repli. Il en faut encore pour parer à tout événement.

Néanmoins on peut admettre qu’il restera un certain excédent disponible, et c’est lui que, par un détour, le parti le plus entreprenant jettera sur les lignes de communications de son adversaire, de façon à inquiéter ses derrières, à troubler la sérénité du commandement, à lui inspirer des résolutions maladroites. Ce genre de manœuvre, on l’a très justement dit, est celui qu’a employé Rome, lorsque, après avoir usé en Italie les forces d’Annibal, par une défensive tenace, elle a pris en Afrique une offensive stratégique qu’il a été obligé de subir. N’est-ce pas aussi la manœuvre que tenta Napoléon en 1814 et qui, d’ailleurs, ne lui réussit pas, Paris n’ayant pas tenu assez longtemps, lorsqu’il résolut de se porter sur la frontière, en abandonnant la capitale que, jusqu’alors, il s’était efforcé de couvrir ? Et est-il besoin de rappeler qu’en 1871 notre armée de l’Est dessina dans la direction de Belfort un mouvement d’offensive stratégique qui, malheureusement, ne dépassa point la vallée de la Lisaine ?

C’est à cette conception, sans doute, qu’il faut rattacher l’expérience qu’on semble vouloir tenter de colonnes volantes composées essentiellement d’un millier de cyclistes d’infanterie, accompagnés de cavalerie et d’artillerie. Une telle troupe, très légère, très mobile, et en même temps très puissante re-