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Page:Revue pédagogique, année 1920.djvu/891

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NÉCROLOGIE

fenêtres, mit au concours quatre bourses pour un séjour de deux ans à l’étranger. Deux élèves de Saint-Cloud se présentèrent : Toutey alla en Allemagne, Guillaume en Angleterre.

Dans ces deux ans, avec sa fougue habituelle, il conquit la langue et commença d’assimiler la littérature. Et en même temps, il aspirait à pleins poumons l’atmosphère britannique. Il se fit des amitiés qui lui furent toujours fidèles ; pour un temps, le Bourguignon devint Anglais.

Le stage révolu, M. Buisson, pour ne pas refermer trop tôt la fenêtre, proposa un chassé-croisé : ceux d’Allemagne iraient passer un an en Angleterre et inversement. Dans cette année, Guillaume s’assura assez bien de l’allemand pour obtenir le certificat germanique comme il avait obtenu celui d’anglais.

Il avait le don des langues. Plus tard, il apprit l’italien et l’espagnol. Mais c’est pour l’anglais qu’il avait évidemment une particulière aptitude. Il y a du physiologique dans l’affaire. Il avait cette docilité complaisante des muscles de la voix qui, permettant de reproduire aisément les sons, aide l’oreille à les discerner dans la masse sonore du parler étranger. Il prononçait extrêmement bien l’anglais, au dire des experts et il en eût une connaissance approfondie. Il put jouir de cet avantage si enviable de sentir la beauté mystérieuse des styles dans une autre langue que la sienne. Et il eut toujours une prédilection pour la littérature anglaise. Ce qu’elle a de sain et de jeune et de souvent candide même sous l’humour, agréait mieux a sa sensibilité que les qualités, si différentes et plus intellectuelles, de l’art français contemporain. En tournée d’inspection, on le rencontrait d’ordinaire avec un livre anglais pour compagnon de route. Il goûtait l’intraduisible et savoureux Meredith ; il fut des premiers à reconnaître le charme naïf et singulier de Lafcadio Heam. Et nous entendons encore sa voix sonore citant avec volupté les phrases magnifiques de Kipling : « Kaa came straight, anxious to kell. »

De retour au pays, Guillaume était nommé à l’École Normale de Versailles et quelques temps après survenait l’événement capital de sa vie privée. Il entra dans la famille de M. Jacoulet, famille nombreuse et unie. Il fut adopté comme un fils par son ancien directeur et, pour toujours en communion parfaite avec