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REVUE PÉDAGOGIQUE.

Touchante tendresse et qui n’avait rien de simulé (car le cœur de Mme de Sévigné ne connut jamais que la sincérité), mais qui se complaisait en ses effusions, afin que Me de Grignan fût fière de sa fille et ne songeât plus à s’en séparer. Avec quelle délicatesse, quels ménagements et en même temps quelle haute raison elle lui trace ses règles de conduite à cet égard et ce qu’exige l’éducation de la jeune fille. « Pour moi, je jouirais de cette petite société, qui vous vous doit faire un amusement et une occupation : je la ferais travailler, lire de bonnes choses, maïs point trop simples ; je raisonnerais avec elle, je verrais de quoi elle est capable et je lui parlerais avec amitié et confiance… C’est un prodige que cette petite ; son esprit est sa dot. Jamais vous ne serez embarrassée de cette enfant ; au contraire, elle pourra vous être utile. Préparez-la à m’aimer et baisez-la tout à l’heure pour l’amour de moi. » (15 juin 1680, 26 octobre 1688.)

La question des lectures surtout la préoccupe. On n’avait pas alors tous ces livres d’éducation, à la fois amusants et instructifs, dont les Jules Verne, les Macé, les Stahl (Hetzel), les H. Fabre et d’autres ont enrichi de nos jours la bibliothèque des jeunes filles ; on ne pouvait recourir qu’aux écrivains de la haute littérature, et je ne sais si cela n’avait pas en définitive ses avantages. C’est dans les grandes tragédies de Corneille (le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte) publiées en 1643, dans les odes de Malherbe, les lettres et traités de Balzac, les écrits de Montaigne, de Descartes, que se forma l’esprit de Mmes de Sablé, de la Suze, de Motteville, de Sévigné, Deshoulières, de la Fayette. On savait, non-seulement le français, mais l’italien et l’espagnol, et même le latin. Mlle de la Vergne (qui fut plus tard Mme de la Fayette) lisait en moquerie avec