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ENSEIGNEMENT MANUEL.

l’autre, quel est celui des deux qui sera réservé aux commissions, au balayage, aux besognes inutiles à l’enfant ou nuisibles, et quel est celui que le patron mettra le premier à l’établi ou à l’ouvroir, pour en tirer le plus tôt possible un travail rémunérateur ? Que sera-ce donc si l’école, au lieu d’abandonner cet enfant de treize ans, ébauché déjà pour l’apprentissage, mais ébauché seulement, s’efforce de préserver ce grain social, de lui fournir pendant trois années encore sa terre, sa lumière et le fait germer ? Il est facile de s’en rendre compte.

D’un côté, la foule, errante aujourd’hui, des enfants de treize à seize ans, garçons et filles, sans initiation aucune aux travaux de la main, sans aptitude reconnue, livrée aux apprentissages de hasard, sans intérêt qui les entoure, sans guide, sans enseignement, ou plutôt avec l’enseignement que l’on peut attendre de la foule qui les a précédés dans la dure vie du travail à la journée, et qui comme eux a erré longtemps dans l’abandon. Comment se fera l’apprentissage avec les courses au dehors, les nettoyages au dedans, les mauvais procédés, les exemples détestables et aucune leçon méthodique ? J’en suis encore à le comprendre, et, de ce que l’apprentissage finit pourtant par se faire, il faut conclure à l’intelligence de l’enfant, à son énergie et à l’incitation du besoin. Mais aussi, tel apprentissage tel résultat définitif. Le patron, inconscient de ses propres fautes, constate que le véritable ouvrier tend à disparaître et, pour lui, l’ouvrier seul est responsable ; celui-ci sait mal, en effet, un métier qu’on lui a mal appris, que par conséquent il ne peut aimer, et le patron partage le sort du métier. Bientôt du dégoût naît la paresse et, par génération alternante, de la paresse le dégoût ; nous voilà en présence de la situation actuelle. On la comprendrait difficilement