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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1883.djvu/112

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REVUE PÉDAGOGIQUE

avait pour principe qu’il ne faut jamais abandonner une bonne œuvre commencée (il disait surtout cela de l’éducation des enfants), envoya Lancelot à la Ferté-Milon, chez les parents. d’un de ses élèves, le jeune Vitart[1] ; M. Le Maître et son frère de Séricourt, pour qui l’on avait vainement cherché une retraite plus convenable, vinrent presque aussitôt l’y rejoindre.

Ils restèrent là quinze mois, jusque vers la fin de 1639, époque où ils purent retourner dans leur désert sans être trop. inquiétés. Lancelot toutefois ne les y suivit plus. Il se rendit à l’abbaye de Saint-Cyran, où il séjourna un an, s’occupant toujours d’enseignement. On lui avait confié un enfant d’un esprit vif et avide d’apprendre ; mais cette avidité même et le désir ardent de son élève d’obtenir des bénéfices dans l’Église l’effrayèrent.Il consulta Saint-Cyran, qui décida qu’il ne fallait point faire étudier un enfant d’un pareil caractère. Lancelot fut alors rappelé à Paris pour continuer l’éducation des jeunes Bignon, que M. Singlin avait de nouveau reçus dans les dehors du. monastère, et de quelques autres encore. Il fut en même temps chargé des soins de la sacristie du couvent, « fonction dont il. s’acquitia, disent les Mémoires, avec un zèle, une exactitude et une foi vive, qui édifiaient tout le monde. »

Cependant, la petite tribu du désert s’était reformée peu à peu. Les solitaires étaient revenus se grouper autour de M. Le Maitre et de son frère, et les enfants les avaient suivis. On voit, en effet, M. de Saint-Cyran, dans une visite qu’il fit à Port-Royal. des Champs quelques mois après sa sortie de prison, c’est-à-dire aux premiers beaux jours de 1643, « rendre grâce à M. Le Maître de la bonté avec laquelle il avait bien voulu se charger de l’éducation du petit M. d’Andilly et du petit de

  1. Ce jeune Vitart était le neveu d’une religieuse, Suzanne Desmoulins, cellerière du couvent, et sœur de Marie Desmoulins, grand’mère de Racine. Cette dernière elle-même devait se faire plus tard religieuse à Port-Royal, ainsi que sa fille qui devint abbesse sous le nom de sœur sainte Thècle. On voit pourquoi. le jeune Vitart se trouvait élevé à Port-Royal, et pourquoi Racine, qui va naître, y sera envoyé plus tard. M. Vitart père, qui sera le grand-oncle de Racine (par alliance), va d’ailleurs suivre les solitaires au monastère des Champs, dont il deviendra le régisseur pour le temporel ; et son fils, le jeune Vitart dont il est ici question, sera l’intendant du duc de Luynes, au château de Vaumurier.