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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1883.djvu/126

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REVUE PÉDAGOGIQUE


Dès l’année suivante pourtant (1657), M. Le Maître, jugeant que la tempête était un peu apaisée, fit demander au cardinal, pour lui et pour un de ses amis, la permission de retourner à Port-Royal, l’assurant que toute son occupation serait d’y lire l’Écriture Sainte, de traduire quelques ouvrages de l’Église et de travailler à la Vic des saints. Cette permission lui fut accordée, et il y ramena M. du Fossé. Ils ne furent pas les seuls, du reste, qui revinrent habiter de nouveau Port-Royal. Presque tous ceux qui avaient été obligés de se disperser, voyant la cour assez bien disposée, y retournèrent successivement, et quelques jeunes gens durent les y suivre aussi. On sait que Racine ne l’avait pas quitté ; il dut recevoir alors de Nicole, pour la logique, des leçons communes avec Le Nain de Tillemont. On sait aussi qu’en 1659 Lancelot était chargé de l’éducation de M. de Chevreuse, duc de Luynes, ce qui lui permettait de résider au

    à Bourg-Fontaine, près de La Ferté-Milon, où il avait été forcé de s’exiler encore une fois :

    « De Bourg-Fontaine, ce 21 mars 1636.

    » Mon fils, je vous prie de m’envoyer au plus tôt l’Apologie des saints Pères qui est à moi, et qui est de la première impression ; elle est reliée en veau marbré in-4°. J’ai reçu les cinq volumes de mes Conciles, que vous aviez fort bien empaquetés ; je vous en remercie. Mandez-moi si tous mes livres sont au château (à Vaumurier) bien arrangés sur des tablettes, et si tous mes onze volumes de saint Chrysositome y sont, et voyez-les de temps en temps pour les nettoyer. Il faudrait mettre de l’eau dans des écuelles de terre, où ils sont, afin que les souris ne les rongent pas. Faites mes recommandations à madame Racine (la grand’mère), et à votre bonne tante (la religieuse), et suivez leurs conseils en tout. La jeunesse doit toujours se laisser conduire et tâcher de ne se point émanciper. Peut-être que Dieu nous fera revenir où vous êtes (Le Maître y revint, en effet, l’année suivante) Cependant il faut tâcher de profiter de cette persécution et de faire qu’elle nous serve à nous détacher du monde, qui nous paraît si ennemi de la piété. Bonjour, mon cher fils ; aimez toujours votre papa comme il vous aime. Écrivez-moi de temps en temps. Envoyez-moi aussi mon Tacite in-folio.

    » Adresse : Pour le petit Racine, à Port-Royal. »

    « Pauvre Racine ! dit M. Sainte-Beuve ; s’il relut plus tard cette bonne lettre, qu’il dut se repentir et pleurer ! car elle éclaire le tort qu’il eut envers la mémoire de M. Le Maître et ce qui nous semble à nous-mêmes la pire action de sa vie ; mais il se repentit si fort qu’on n’a plus le courage de le lui reprocher. »

    On suit que Racine, en réponse à une lettre de Nicole, où celui-ci traitait d’empoisonneurs les faiseurs de pièces de théâtre, écrivit deux lettres pleines d’esprit et de méchanceté contre ses anciens maîtres, où il n’épargne ni la mère Angélique qui ne l’avait pas attaqué, ni Le Maître à qui il devait tant,