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L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

défiances instinctives des chefs de famille ; cette concession anodine leur semblerait une garantie. Il serait bon de stimuler le zèle des nouveaux venus par quelques satisfactions matérielles ; de longues années se passeront peut-être avant que tous nos sujets musulmans en arrivent à apprécier comme il convient les avantages de l’instruction. Il faut voir les hommes tels qu’ils sont et les traiter en conséquence. Quelques distributions de vêtements ou de vivres faites à propos, des primes en argent aux élèves les plus méritants toucheraient les parents et même les enfants beaucoup plus que toutes les considérations d’ordre élevé qu’on perdrait sa peine à leur faire valoir. Tout cela d’ailleurs n’a rien de bien nouveau : n’a-t-on pas l’habitude dans nos grandes villes de distribuer des vêtements aux enfants pauvres des écoles et de décerner comme récompenses des livrets de caisse d’épargne ? Les indigènes sont en général d’assez pauvres hères, souvent ils se brouillent avec la loi pour bien peu de chose ; on les contenterait à bon marché.

II

C’est la très grande masse des indigènes qui vit en dehors des centres européens, soit dans les communes mixtes, soit dans les communes indigènes proprement dites. Il s’agit d’opérer non seulement sur des populations nombreuses, mais encore sur des territoires très vastes. Si l’on veut arriver à des résultats appréciables, il faut absolument qu’on sache au début se contenter d’une organisation très simple et très économique. Plus tard on complétera et on perfectionnera, pour le moment l’essentiel est de commencer. À vouloir faire trop bien dès l’abord on risque de ne rien faire du tout. L’exemple des écoles de Kabylie cité par M. Thomson est tout à fait concluant : on s’occupe de les créer depuis 1880, nous sommes à la fin de 1882 et elles n’existent pas encore ; on espère dans le courant de 1883 en ouvrir quatre qui auront coûté ensemble plus de 200,000 francs. Évidemment ce n’est pas ainsi qu’on doit procéder à l’avenir ; il est nécessaire d’aller plus vite et de se tirer d’affaire à meilleur compte.

Il existe en Algérie en territoire civil 77 communes mixtes, en territoire militaire 6 communes mixtes et 15 communes,