Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/328

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
318
REVUE PÉDAGOGIQUE

jourd’hui l’Allemagne dans l’étude et l’enseignement de la géographie ? N’y a-t-il pas pour nous tous un devoir impérieux et pressant de sortir définitivement de ce : long assoupissement que nous reprochait H. Wagner, pour reprendre nos belles traditions d’autrefois ?

Nous aurions cependant scrupule à accepter ce terme d'assoupissement ou de sommeil : car ce serait trop dire, ce serait aussi nous calomnier. Il faut être juste, même et surtout en ce qui nous concerne. Si nous voulons jeter un rapide coup d’œil sur ce qui se passait en France dans la première moitié de ce siècle, nous verrons que ce ne sont ni les hommes ni les œuvres qui nous ont manqué. Pourquoi n’ont-ils pas exercé cette influence féconde et durable que l’on pouvait en attendre ? Il y a là une question à résoudre et qui ne manque pas d’un certain intérêt.

Le premier géographe en date que nous trouvions, comme aussi le premier en mérite ou en valeur, est un Danois, exilé de son pays pour affaires politiques et religieuses, réfugié d’abord en Suède, puis en France vers 1800, Malte-Brun[1]. Frappé dès cette époque, sinon du discrédit dans lequel était tombée la géographie, du moins de l’absence de toute œuvre sérieuse en ce genre, il voulut donner à sa patrie d’adoption ce qui lui manquait, et s’acquitter ainsi envers elle de la dette de reconnaissance qu’il avait contractée. D’abord en collaboration avec Mentelle, il publia en seize volumes une géographie mathématique, physique et politique des cinq parties du monde. C’était une œuvre un peu hâtive[2] ; mais peu après il commençait son grand ouvrage ou précis de Géographie universelle, qui devait fonder sa réputation, et pour ainsi dire identifier son nom avec celui même de la géographie. Le premier volume paraissait en 1810 ; le huitième et dernier en 1829, mais rédigé, en grande partie sur ses notes, par l’abbé Huot, son disciple, car Malte-Brun était mort en 1827, en travaillant au septième[3]. C’était un véritable monument élevé à la science, géographique, dans lequel il y aurait sans doute aujourd’hui beaucoup à dire ou à contredire, au point de vue de la critique, de l’ordonnance des parties et des idées générales ; mais, à cette époque, il défiait toute comparaison avec n’importe quelle œuvre savante de l’Europe. Humboldt n’avait encore fait paraître que quelques ouvrages de second ordre, et Ritter commençait seulement en 1817 la publication de sa Géographie comparée. Il pouvait prendre place à côté du chef-d’œuvre que Laplace venait d’écrire dans l’Exposition du système du monde.

  1. Conrad Malte-Brun, né dans le Jutland et mort à Paris (1775-1826).
  2. De 1803 à 1805.
  3. Son fils, M. Malte-Brun, un des géographes les plus estimés de nos jours, a repris pour la compléter et la mettre au niveau des découvertes récentes la Géographie universelle. C’est sans contredit la meilleure des révisions qui en aient été faites, car elle respecte l’esprit même et le plan de l’ouvrage.