DE L’INSTRUCTION DE LA FEMME
À LA CAMPAGNE
Mme Caroline de Barrau vient de publier une intéressante brochure sur les femmes de la campagne à Paris. Elle s’élève avec beaucoup de force contre cette folie de l’émigration de la jeunesse de nos villages et nos fermes, qui dépeuplera bientôt la campagne. Folie est bien le mot, car la jeune paysanne qui se propose de venir faire fortune dans la grande ville n’y trouve trop souvent que la misère d’abord et le déshonneur ensuite. La preuve irrécusable que les femmes pauvres étrangères à Paris viennent s’y perdre dans les conditions les plus effroyables se trouve dans le relevé des entrées à Saint-Lazare. En 1883, les condamnées de droit commun étaient au nombre de 4,768, dont 925 de la Seine et 3,318 venues des départements, le reste appartenant aux nationalités étrangères. Une seconde section comprend les femmes arrêtées sur la voie publique pour cause de mœurs : on en comptait, toujours dans la même année, 4 099 dont 1,226 de la Seine, 2,621 des départements et 252 étrangères. Mme de Barrau conclut en ces termes : « On ne saurait trop le dire : une jeune fille étrangère et abandonnée à Paris, une jeune fille isolée et sans protection, est une jeune fille perdue. Mieux vaudrait pour elle, cent fois, rester au pays avec les siens, dût-elle y manger du pain noir toute sa vie ! »
D’après l’auteur, l’une des principales causes de la dépopulation des campagnes, qui entraîne comme conséquence fatale la démoralisation de tant de paysannes, est le défaut d’harmonie de l’éducation donnée aujourd’hui à la campagne avec les mœurs et le milieu pour lesquels elle devrait être faite. Nulle part l’éducation n’est rurale ; ni à l’école primaire, ni après, la jeune fille des champs ne reçoit aucune instruction professionnelle ; elle va plutôt à l’école apprendre à oublier ou même à mépriser les travaux de son père et de sa mère. Elle ne saura pas traire les vaches, tirer pari du lait, semer, planter,