Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1885.djvu/358

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DEUX AMIS INCONNUS DE L’INSTRUCTION


Les amateurs de vieux livres et d’éditions rares font parfois des trouvailles auxquelles ils ne s’attendaient pas, ni le public non plus, En remuant la poussière des bibliothèques, ils trouvent souvent les documents qu’ils cherchaient, mais ils rencontrent aussi quelquefois des choses qu’ils ne cherchaient pas et qui ne leur font pas moins d’honneur auprès des profanes. C’est ce qui vient d’arriver à « un vieux bibliophile dauphinois » qui, dans ses recherches bibliographiques sur sa province natale, a découvert, avec toute une série d’ouvrages très anciens et curieux, une bonne action jusqu’alors ignorée, un service en quelque sorte anonyme rendu à des inconnus, deux existences obscures, mais généreusement et utilement remplies. Les érudits se réjouissent de la première de ces découvertes, les lecteurs de la Revue ne sauraient rester indifférents à la seconde.

Ayant remarqué dans divers livres datant de la fin du xve et du commencement du xvie siècles, c’est-à-dire des premiers temps de l’imprimerie, le nom de deux de ses compatriotes, qui n’étaient cependant ni auteurs ni libraires, notre « vieux bibliophile » sentit sa curiosité s’éveiller et, après de patientes investigations, il parvint à réunir ou à connaître vingt-cinq ouvrages ayant la même origine et à faire quelque lumière sur la vie et sur l’œuvre de ces deux Dauphinois. Antoine et Pierre Bacquelier, tel est le nom de ces deux « citoyens de Grenoble », comme ils aimaient à s’appeler. Tous deux furent prêtres et vécurent à Paris ; mais quoique éloignés de leur patrie d’origine, ils ne l’oublièrent jamais. Ils étaient de la même famille et probablement frères. Ce dernier point n’est pas établi, mais s’ils ne furent pas frères par le sang, ils le furent assurément par la communauté des sentiments et des goûts, par leur amour pour la jeunesse et par l’emploi qu’ils firent l’un et l’autre de leurs loisirs et leur argent. De l’argent, ils semblent en avoir eu en suffisance ; de plus ils étaient gens économes,