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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1886.djvu/131

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UN ÉPISODE DE LA LAÏCISATION DES ÉCOLES

Et l’instituteur ? S’il a été le plus puni, c’est par où il a péché : sa conduite si peu courageuse ne lui à point évité les désagréments dont il avait eu peur. On ne lui a pas plus pardonné ses tardives révélations que s’il eût fait courageusement son devoir dès le premier jour. Sa situation dans la commune était devenue impossible à tous égards, et il a dû être déplacé.

Si dès le premier jour il eût parlé haut et ferme, s’il eût révélé sans hésitation à la justice et flétri énergiquement la conduite des jeunes vauriens, il n’aurait pas seulement obtenu l’estime de ses supérieurs, il aurait aussi imposé le respect autour de lui dans le village. C’est justement en de pareilles circonstances qu’il pouvait acquérir cette autorité morale qui doit être la première ambition de l’instituteur au village.

Une triste réflexion, c’est que ces. jeunes gens d’I., les auteurs du charivari, avaient été ses élèves ; et auparavant la plupart des habitants de la commune avaient été ceux de son père. On ne s’explique que trop qu’élevés par des maîtres qui donnent de si pitoyables exemples, ces fils de paysans restent étrangers à toute idée de générosité et de dignité. Et pourtant l’instituteur d’I. était, paraît-il, un des mieux notés, sa classe était bien tenue, il enseignait avec intelligence et avec zèle. Mais que ces qualités, si précieuses d’ailleurs, comptent pour peu en comparaison des qualités de l’éducateur, c’est-à-dire des qualités du caractère ! N’est-ce pas l’honneur de l’enseignement primaire de vouloir former des gens de cœur, d’honnêtes gens, plus encore que des gens instruits ?