Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1886.djvu/495

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naturel de transmettre par l’enseignement la vertu, la science, l’art, tout le patrimoine de l’humanité.

Ce merveilleux essor de l’instruction, nous sommes habitués à le rattacher à deux grands noms qui, en effet, éclipsent tous les autres : Erasme, et Melanchthon. Mais ce qu’on ne sait ou ce qu’on ne dit pas assez, c’est qu’il y eut en France à la même époque un souffle aussi véhément, un aussi généreux élan vers la réforme des études. S’instruire et instruire les autres devint la grande affaire de la vie, si bien que le bon Josse Bade, cet illustre ancêtre de l’imprimerie et de l’érudition française, sentant le besoin de compléter pour les temps nouveaux le petit manuel scolaire de la civilité en usage au xve siècle, après y avoir ajouté quelques touchants distiques sur les devoirs de l’enfant, n’hésite pas à les terminer par ce précepte caractéristique :

Tandem, ubi doctus eris, reliquum est bene vivere cures,
Ignarisque tibi cognita præcipias.

Aussi quelle ferveur, quel zèle ! quelle impétuosité et quelle audace à remanier tout l’enseignement ! Nulle part, on ne s’est plus vite mis en devoir de créer, avec des écoles nouvelles, de nouvelles méthodes. Il se produit en France, à Lyon en particulier, dans les belles années de François Ier, un mouvement de librairie scolaire dont on ne peut donner une idée qu’en le comparant à celui dont nous avons été nous-mêmes témoins dans ces dix ou douze dernières années. Aucun pays, aucun temps, n’a mis au jour dans ce genre spécial un plus grand nombre d’essais originaux, de projets de réforme, de traités pour les maîtres, de livres et de livrets pour les élèves, d’éditions scolaires, d’éditions populaires, de traductions, de recueils de morceaux choisis, de manuels ingénieusement diversifiés non pas seulement pour l’étude des trois langues alors classiques, l’hébreu, le grec et le latin, mais, comme on peut le voir en feuilletant ce catalogue, pour toutes les disciplines littéraires et scientifiques, sans oublier l’étude de la langue maternelle dont ces novateurs ont, bien plus tôt qu’on ne le croit communément, affiché la « précellence » et annoncé « l’illustration ». Aussi comprend-on sans peine le souvenir éblouissant qu’avait laissé aux contemporains ce moment unique, et ce mélancolique jugement d’Étienne