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INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE

on est certainement apte à recevoir les bienfaits de la civilisation moderne et surtout à vouer à ceux qui la donnent un sentiment de profonde reconnaissance.

Pourquoi donc l’indigène de l’Algérie ne serait-il pas capable d’acquérir l’instruction n’importe à quel degré ? Si ce peuple est tombé aujourd’hui presque complètement en décadence, c’est à l’ignorance seule qu’il faut en attribuer la cause. Il nous appartient de le relever et nous ne pouvons le faire qu’en l’instruisant. Que la France agisse donc envers ses nouveaux enfants comme elle agit envers ceux de la métropole ; qu’elle leur prodigue les mêmes soins, qu’elle en fasse des hommes moraux, instruits, éclairés, pratiquant toutes les vertus, sachant se guider et ne cherchant que le bien de la société. Ce jour-là, notre grande Patrie sera largement dédommagée des sacrifices qu’elle se sera imposés. »

Après avoir répondu à cette objection, la personne que nous citons se demande pourquoi les Arabes se sont montrés si peu disposés à profiter de nos établissements scolaires. La raison que donne Medjoub ben Kalafat est très sérieuse.

« Pendant très longtemps, dit-il, les Arabes ont cru que les Français n’étaient pas venus pour se fixer en Algérie, que ce n’était qu’une occupation provisoire et qu’ils n’allaient pas tarder à repasser la mer. Plus tard, les voyant assainir Île pays, tracer des routes, construire des chemins de fer et fonder des écoles qui rivalisent avec celles de la métropole, leurs premières espérances furent déçues.

Le maître français leur inspire étalement une grande méfiance. Ils croient en effet que nos instituteurs, fanatiques comme la plupart de leurs talebs, passent la moitié de leur temps à enseigner la religion et à convertir tous ceux qui ne partagent pas leurs doctrines.

Les préjugés ne sont pas non plus étrangers à leur abstention ; car il ne faut pas se dissimuler qu’il y en a beaucoup parmi eux qui voudraient envoyer leurs enfants dans nos établissements scolaires, mais qui ne le font pas, redoutant le jugement du voisin. »

Pour les indigènes qui habitent les villes ; l’entreprise ne présente pas de grandes difficultés matérielles et financières. Les locaux et les maîtres seraient aisément trouvés. Mais comment arriver à peu de frais à donner aux trois millions d’indigènes répandus dans les provinces l’instruction avec la connaissance de la langue française. Il ne peut pas être question de construire des écoles comme celles que nous possédons et de recruter des maîtres munis des diplômes ordinaires. Les résultats poursuivis ne commandent pas de s’imposer une pareille dépense. Ce qu’il faut, c’est improviser des écoles avec les moyens dont on dispose et ne pas se montrer trop difficile sur le choix des maîtres.

Dans le journal le Gagne-Petit (numéro du 29 avril 1886), M. Francisque Sarcey a exposé, avec la verve et le talent qui sont la marque de ses articles, un ingénieux système dû à un chef de bureau arabe de la division d’Alger.