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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1890.djvu/488

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REVUE PÉDAGOGIQUE

du professeur. Toutefois, de quelque prix que fût un tel moyen d’études, nous n’avons garde de croire qu’il explique le grand succès du Cours de la rue de Seine. Ce succès, qui est allé croissant jusqu’au dernier jour, ne tenait à rien d’extérieur, à aucune organisation perfectionnée de l’enseignement : tout le monde s’accordait à en faire honneur à la personne même de la directrice, à son enseignement à la fois si familier et si judicieux, si propre à susciter en chaque élève le mouvement original de l’esprit et la réflexion. C’est sa haute et ferme raison, pleine à la fois de sagesse et de bonne humeur, sérieuse avec sérénité, bien munie de principes mais sans raideur, riche d’une longue expérience des hommes et de la destinée, supérieure à tout esprit de secte et à toute haine ; c’est aussi son caractère toujours égal et bienveillant, son urbanité parfaite, c’est toute elle-même en un mot qui communiquait à son commerce tant de charme et à ses leçons une vertu bienfaisante. Auprès d’elle les plus faibles se sentaient encouragées et les petitesses de l’amour propre n’auraient osé se produire.

Depuis quelque temps sa santé paraissait n’être plus la même. Ceux qui l’approchaient de plus près avaient remarqué plus d’une fois des signes de lassitude, que son énergie et sa bonne humeur cachaient à tous les yeux. Quatre ou cinq jours avant qu’elle se sentit atteinte par la maladie, une voix amic la pressait de songer au repos et de ne pas attendre l’épuisement complet de ses forces. Elle ne résistait point ; elle formait le rêve de se retirer bientôt à la campagne auprès de ses nièces dont elle était la seconde mère. Mais il était écrit que ce ne serait qu’un rêve, et que sa vie serait jusqu’au bout une vie de labeur sans relâche.

Elle n’est plus, la noble et vaillante femme ! Elle a disparu soudainement, avant l’heure, mais laissant après elle une trace qui ne s’effacera pas de sitôt. Longtemps encore ses amis — et elle comptait autant d’amis que d’élèves — ne pourront se défendre de chercher à leurs côtés cette conseillère de raison, de paix, de bonté. Sa bouche est fermée pour toujours, et nul ne reverra plus ses traits aimables et graves il ne reste de Mlle Nancy Fleury que son exemple bienfaisant, et l’image d’elle-même qu’elle a gravée dans l’âme de plusieurs générations de jeunes filles.

Prié d’adresser le suprême adieu, M. Henri Brisson, ancien président de la Chambre et du Conseil des ministres, et vieil ami de la famille Fleury, a prononcé sur la tombe des paroles dont l’assistance s’est montrée profondément émue. Les voici :

 « Madame[1],

» Pourrai-je maîtriser assez mon émotion pour adresser l’adieu, le simple adieu que vous désirez, à votre sœur, à notre amie, à l’incomparable maîtresse de ce jeune monde dont j’aperçois les pleurs ?

  1. M. Brisson s’adresse à Mme Engelhard, sœur de la défunte.