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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1893.djvu/459

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CHARLES BIGOT

La Revue pédagogique a perdu en Charles Bigot un de ses plus fidèles collaborateurs. Les dernières pages qu’il ait données au public ont été pour nous ; et cette « Causerie littéraire » du mois de mars, où il nous entretenait notamment du dernier livre de M. de Vogüé et de l’œuvre de Taine, bien qu’écrite ou plutôt dictée au milieu des plus atroces souffrances, ne le cède ni pour l’aisance et la bonne grâce de la forme, ni pour la netteté du jugement, à aucune de celles par lesquelles, durant tant d’années, en nous tenant au courant de tout ce qui se produisait de notable dans les lettres françaises, il nous a charmés, instruits et fait penser.

Pourtant ce n’est pas là l’unique raison, ni même la principale, que nous ayons de rendre hommage à la mémoire de ce parfait honnête homme et de ce vaillant écrivain. N’eût-il pas été notre ami, nous devrions encore saluer en lui, au moment où il nous quitte, un des meilleurs ouvriers de cette œuvre qui prime tout à nos yeux et qui domine l’histoire de notre temps : la régénération de la France par l’éducation.

I

Charles Bigot naquit à Bruxelles en 1840, de parents français. Son père, médecin de valeur, était Normand ; et c’est d’Alençon qu’il arriva à Sainte-Barbe en 1838 pour se préparer à l’École normale. Il y entra en 1860, dans la promotion de MM. Georges Morel et Foncin, entre autres, qui se lièrent avec lui d’une profonde amitié. M. Foncin, sur sa tombe, évoquant avec une précision émouvante le souvenir de ces années, a tracé de Bigot normalien un portrait plein de fraîcheur et de vie que je voudrais pouvoir reproduire, car c’est déjà celui de l’homme que nous avons connu quinze ans plus tard. Ça été, en effet, un trait charmant du caractère de Bigot de conserver, dans sa pleine maturité et jusque dans les épreuves les plus terribles, ce qu’il y a de meil-