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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1898.djvu/202

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REVUE PÉDAGOGIQUE

par excellence, la question perpétuelle est celle des premiers principes, identique au fond à celle des fins dernières. Sous ce qui apparaît et fuit, saisissons-nous ce qui demeure ? Et ce qui demeure, est-ce simplement le réseau des lois de l’univers, ou un absolu distinct des phénomènes ? Et cet absolu, s’il existe, qu’est-il ? matière, vie, esprit, liberté ? Le pouvons-nous connaître, pleinement, ou seulement en partie ? Et quelles lueurs répand-il sur les obscurités du monde, en particulier sur celles de notre vie humaine ? Toujours la même à travers les siècles, la question se pose et se débat, suivant les siècles, en termes différents. À l’époque où M. Jules Simon abordait la philosophie, la métaphysique venait d’être restaurée, en France, par Victor Cousin, Elle avait eu à s’établir contre le sensualisme, une forme temporaire de l’empirisme, pour qui toute connaissance réelle est limitée aux résultats de l’expérience sensible. Elle avait à se défendre contre certains théologiens qui, pour la perdre dans l’opinion, et avec elle l’Université, où elle était enseignée, l’accusaient de panthéisme, partant de fatalisme et d’immoralité.

Les solutions doctrinales de M. Jules Simon sont l’affirmation, contre le sensualisme, d’une connaissance directe de l’absolu, et contre les théologiens, de la validité de la raison, sans recours à la foi. Elles peuvent se résumer ainsi : l’expérience n’est pas pour l’homme le seul moyen de connaître. Nous n’apercevons pas que des faits et des rapports, en nous, par la conscience, hors de nous par les sens. L’intelligence humaine n’est pas uniquement liaison, elle est aussi raison, et par raison il faut entendre non pas la dialectique allant du sensible au rationnel, et dans le rationnel s’élevant par degrés vers des idées à chaque démarche plus générales, et par là s’éloignant du réel à chaque démarche davantage, pour se perdre à la fin dans l’abstrait, mais l’intuition immédiate, dans la conscience limitée d’une personne, de l’infini réel, extérieur et supérieur à toutes les personnes, et se révélant à elles par l’idée qui se trouve de lui dans leurs esprits. Cet infini, c’est l’absolu, c’est-à-dire ce qui, à l’inverse des phénomènes où rien n’est que par autre chose, existe en soi et par soi. L’idée que nous en avons est innée en nous, et la nier, c’est nous dénaturer, car, en nous, elle gouverne tout, la science et la conduite. Sans doute