n’a rien à craindre de l’esprit antinational et du mercantilisme. Les familles ne perdent aucuns de leurs droits. »
Dès lors, dans cette querelle de près d’un demi-siècle, sa position est prise, et définitivement. Qu’on relise son rapport de 1849 à l’Assemblée constituante, ses discours de 1875 à l’Assemblée nationale, son rapport et ses discours de 1880 au Sénat, en 1880 comme en 1875, en 1875 comme en 1849, c’est toujours la substance des déclarations de 1846 : à la liberté, le droit commun ; à l’État, les garanties d’ordre public qui sont sa raison d’être. L’attitude est invariable ; pas l’ombre d’un changement de front ; tout au plus l’inclinaison de l’homme sûr de son équilibre, qui, sans risquer de le perdre, se porte tantôt au soutien de l’État, tantôt à la défense de la liberté, selon que la liberté ou l’État lui paraissent sortir de la « mesure exacte ».
J’ai pris comme exemple cette question de la liberté de l’enseignement, parce que là furent ses désaccords les plus profonds et ses dissentiments les plus aigus, d’abord avec ses amis de l’Université ; plus tard avec ses amis politiques. J’en aurais pu prendre une autre, au hasard. La constatation finale eût été la même. Partout, à y bien regarder, en perçant la couche des apparences, sous les essais de conciliation et les tentatives de synthèse, sous ·les alliances de surface et les concessions de forme, sous les manèges de tactique et les coquetteries d’allure, sous les sourires, l’onction, le velours et les fleurs, partout on retrouverait la couche de fond, les solides assises.
L’erreur et le danger de toutes les politiques a priori est de s’attacher à ce que Platon appelait l’idée de l’homme ; et de traiter les hommes réels comme des groupes d’abstractions, isolés de leur temps, de leur milieu, de leur chair, de leurs entrailles. Comme correctif aux tendances abstractives et déductives de son esprit, il y avait, en M. Jules Simon, un sens réaliste, sa sensibilité ; non pas cette sentimentalité qui va se diffusant à mesure que s’élève la généralité des idées, mais ce mode très déterminé du sentiment, qui s’attache à des êtres concrets, à des êtres vivants, et qui est bonté, pitié, amour. Par essence, l’esprit est abstracteur, le cœur est réaliste. L’esprit conçoit l’humanité ; le cœur perçoit des êtres humains et les aime, et cela est si vrai, que l’amour, quand il se tourne vers Dieu, fait de Dieu une per-