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REVUE PÉDAGOGIQUE

Et d’abord l’instruction, donnée à des gens qui n’ont pas su s’en servir pour éviter le mal, est-elle irrémédiablement inutile ? Raisonnons, comme si nous ne connaissions pas les rassurantes statistiques déjà exposées : — Or, sans partager l’optimisme socratique d’après lequel tout coupable serait un ignorant, il parait raisonnable de reconnaître que la première des conditions pour remplir son devoir c’est de le connaître, puis de réfléchir et de délibérer avant d’agir. Or, c’est l’instruction qui nous rend aptes à discerner le bien du mal et, par l’habitude de l’attention et ’de la réflexion, elle nous permet de nous arrêter, de nous retenir un momentavant l’action. C’est faute de ce discernement, faute de ce pouvoir d’arrèt que la majeure partie des fautes sont commises. Je sais bien qu’il faut compter avec l’intérêt, la colère et les passions dont la force impétueuse balaie si souvent les meilleures résolutions. De plus qui voit le bien fait souvent le mal, je ne l’ignore pas. Mais, aussi bien, je ne prétends pas que la connaissance du bien et du mal et la réflexion soient la condition suffisante de l’action morale, il suffit qu’elle en soit la condition nécessaire. L’instruction n’est pas un guide infaillible, mais l’instinct non plus, et si l’on avait à faire le bilan des fautes de l’une ou de l’autre, iln’est pas douteux que l’avantage resterait à l’instruction, à l’action réfléchie et éclairée, condition indispensable de sa moralité.

Quant à la seconde objection, je ne m’attarderai pas à vanter les bienfaits de la science et à la comparer, sur le terrain de l’éducation, avec les diverses confessions. Je me bornerai à dissiper une équivoque et un malentendu. Quel sens attribuez-vous au mot science quand vous dites : la science ne suffit pas à l’éducation ? voulez-vous direles hautes théories astronomiques, physiques et biologiques ? dans ce cas, je suis de votre avis, ce n’est pas avec ces théories qu’on apprendra à de malheureux égarés le chemin du bien et du droit ; il serait même ridicule d’oser tenter l’aventure. Que faut-il donc entendre par science en matière d’éducation ? Quelque chose de bien simple : il s’agit de l’observation positive de la nature humaine, de l’analyse de ses sentiments, de la classification de ses penchants, de leur genèse et de leur développement. C’est de cet ensemble d’observations concrètes qu’on peut tirer des lignes de conduite propres