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Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1924.djvu/25

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L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE SÉLECTIF EN ALLEMAGNE

sans l’arrêt dû à la guerre, on se serait rapproché davantage d’une « école sur mesure » au sens propre du mot. Le système de Mannheim est basée sur des idées préconçues concernant le développement mental uniforme et régulier de l’enfant. On le considère comme évoluant avec l’âge en ligne droite et d’un rythme continu. On se croit donc en droit de se prononcer sur l’enfant dès sa deuxième ou troisième année scolaire quand il a à peine sept ou huit ans ; son sort est déjà prédestiné, il a déjà le cachet d’un débile ou d’un imbécile sans que le mot soit prononcé[1]. Et si l’on réunit un groupe de ces prétendus débiles, qui sont souvent lents, très souvent inappliqués et qui peuvent ne pas être dépourvus d’intelligence, on n’en obtiendra pas beaucoup : on obtiendra d’autant moins qu’il y aura avec eux moins d’enfants appliqués et à l’esprit vif pour les entraîner et pour provoquer l’émulation, si nécessaire à une école qui doit préparer à la vie sociale. Cela ne veut pas dire qu’il faille renoncer à une sélection des enfants et à des classes homogènes. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les classes très hétérogènes des pays où il n’y a pas ou pas assez de classes auxiliaires pour voir ce que ce système, ou plutôt ce manque de système, a de néfaste pour les intelligents, pour les médiocres et surtout pour les arriérés qui restent des années dans la même classe, qui vont ensuite se trouver face à face avec la vie sociale sans savoir lire ou écrire et qui sont si peu préparés à la lutte qui les attend. L’ « école sur mesure » est une nécessité qui s’impose de plus en plus. Mais il faut qu’elle le soit dans le sens véritable du mot. Les enfants qui sont réunis à Berlin et à Mannheim dans des classes spéciales, et qui ailleurs sont des élèves médiocres ou inférieurs de l’école ordinaire, soulèvent un problème des plus graves. J’en ai étudié un certain nombre et je suis arrivée à des résultats tout à fait frappants. Dans ce groupe que j’ai appelé les médiocres et qui formait la moitié de la classe que j’ai étudiée, il y avait des différences individuelles très grandes entre les aptitudes mentales[2]. Certaines fonctions, différentes chez diffé-

  1. Il est vrai que le retour dans les classes ordinaires est possible, mais en fait il est rare.
  2. Les fonctions mentales de l’enfant à l’âge scolaire, XXIIe Année Psychologique, 1921, p. 184-220. Voir en particulier les profils psychologiques du groupe des médiocres.