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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/118

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REVUE PÉDAGOGIQUE

l’éducation qu’ils ont à étudier ces sciences ; et d’abord de leur propre éducation. Cela seul sera pour eux de bonne pédagogie intellectuelle ou morale, qui se trouve confirmé par leur expérience personnelle, qui sert à rectifier leur jugement, à amender leur caractère, à ennoblir leurs sentiments : tout ce qu’ils ne peuvent pas ainsi tourner à leur profit et convertir en leur substance, si bien qu’ils l’aient appris et le récitent, ils ne le savent pas : c’est un élément étranger à leur organisme ; tel ils l’ont reçu, inerte et lourd, tel ils le transmettront.

En particulier on ne leur permettra pas d’user des méthodes et des procédés comme de formules sacramentelles qui confèrent le salut ou qui rehaussent la dignité du maître et de son enseignement. On leur fera comprendre que l’esprit humain n’a le choix qu’entre deux allures dans la recherche et la démonstration de la vérité : l’induction et la déduction ; qu’il n’y a donc que ces deux méthodes, si même il y en a deux ; quant aux autres prétendues méthodes, ils sauront n’y voir que de simples manières d’enseigner, d’exposer, d’interroger, empruntant leur vertu secrète de l’induction ou de la déduction et dont ils n’étudient les procédés que pour mieux s’enhardir à voler de leurs propres ailes ; de toutes manières on formera les jeunes maîtres à penser et à parler en esprits libres et bien cultivés, mon en interprètes assermentés ou en répétiteurs mécaniques d’un nouveau catéchisme. Ils seront à l’égard de la pédagogie des disciples clairvoyants, non des dévots crédules.

Peut-être, ainsi prémuni, notre enseignement primaire, sur qui reposent de si grands intérêts, sur qui pèse une si lourde responsabilité, échapperait-il à la médiocrité, à l’étroitesse des vues, au formalisme pédantesque et stérile dont il est menacé. Animé d’une haute inspiration, toujours épris de liberté d’esprit, de vie, de réalité, de choses et non de mots, de forte et profonde éducation plutôt que d’instruction copieuse et superficielle, il serait digne de supporter, comme on l’y invite et comme c’est son office naturel, les destinées d’une démocratie active et intelligente.