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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/527

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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

Bientôt tous les esprits s’y portent avec ardeur. Tandis qu’à l’étranger on relève le nom de toutes les femmes qui, depuis le treizième siècle, ont mérité le titre de docteur[1], en France, la docte Uranie (Mme du Châtelet) publie ses Institutions de Physique et sa traduction des Principes de Newton. J.-J. Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre ont mis la botanique à la mode. À côté des leçons de grammaire et de ménage, on introduit ce que, de ce moment, on appelle les leçons de choses[2]. Le programme devient tout à la fois plus substantiel et plus souple, bien qu’un peu confus, comme il était inévitable. C’est en vain que l’auteur d’Émile se jette au travers du courant, et met la mère de Sophie en garde contre les livres. Les jeunes filles ont leurs classiques. On en dresse la liste, liste riche et variée[3]. Dans l’ordre des sciences s’y trouvent, outre les résumés élémentaires qui étaient répandus au dix-huitième siècle (Dictionnaires de physique, de botanique et de chimie), une Histoire du ciel de l’abbé Pluche et les Mondes de Fontenelle. L’histoire compte treize auteurs principaux, parmi lesquels Plutarque, Rollin, Hume et Robertson : on recommande, en outre, les Mémoires les plus estimés. L’antiquité païenne est représentée par « les meilleures traductions d’Homère, de Virgile et d’Horace », et par Ovide (les Métamorphoses), Cicéron (les Offices), Sénèque (les Épîtres). Pour l’étude de la grammaire, de la rhétorique et de la poésie, on joint les traités techniques aux œuvres des maîtres : la Grammaire de Restaut, les Principes de syntaxe et les Synonymes de l’abbé Girard, le Cours des Belles-Lettres de Le Batteux, aux sermons de Bourdaloue et de Massillon, aux oraisons funèbres de Fléchier et de Bossuet, aux lettres de Mme de Sévigné, aux discours de Fontenelle, « à nos meilleurs théâtres ». L’Art poétique de Boileau a sa place à part. Montaigne, La Rochefoucauld, Nicole, La Bruyère, Duclos, sont indiqués pour la morale comme les livres de chevet. Le choix des traités d’éducation dénote un sens plus délicat

  1. Voir dans les Acta eruditorum de Leipzig, ann. 1724, p. 239, la Dissertation intitulée : Bitisia Gozzadina, seu de Mulierum Doctoratu.
  2. Conversations d’Émilie. — L’Ami des femmes, 1758. — Essai sur l’éducation des demoiselles, par Mme de P…, 1769.
  3. Nous empruntons cette liste au plan d’études de Mme de Miremont.