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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/537

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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

Mais autour d’elles l’ambition a gagné les esprits. On revendique l’instruction, non plus comme une concession, mais comme un droit, non plus comme un ornement légitime et nécessaire, mais comme un moyen de disputer à l’homme les fonctions de la vie sociale. Chose piquante, c’est un homme qui se fait le patron de la cause, — Poullain de la Barre, un théologien que la révocation de l’édit de Nantes devait plus tard fixer à Genève. Détail non moins notable, ses Discours et Entretiens, plusieurs fois réimprimés en vingt ans, parurent pour la première (26 juillet 1673) moins de dix-huit mois après la représentation des Femmes savantes, et alors que la cendre de Molière était à peine refroidie[1]. Sa proposition est la même que celle de Mlle de Gournay. Il considère qu’à égalité de nature il doit y avoir égalité d’éducation ; que, si la coutume en a décidé autrement, c’est la faute du vulgaire, qui commet bien d’autres erreurs, peut-être aussi celle des savants, qui veulent se conserver le privilège du savoir[2] ; et ses raisonnements, sur plus d’un point, touchent juste. Il s’élève notamment à des considérations assez hautes, lorsqu’il explique qu’il n’est pas pour l’intelligence humaine de jouissance plus grande que celle de connaître, et de connaissance à la fois plus nécessaire et plus digne pour l’homme que celle de soi-même. Il est plein de verve, mais d’une verve discrète et aimable, lorsqu’il soutient que la plupart des défauts

    des Femmes de Boileau ni dans l’Apologie des Femmes de Perrault : l’une n’est qu’une imitation de Juvénal, avec quelques allusions contemporaines, généralement forcées et peu heureuses ; l’autre, une œuvre de polémique personnelle, où le morceau capital est la préface. — Malebranche (Recherche de la Vérité, 2e partie, chap. i), après avoir établi que, « pour l’ordinaire les femmes sont incapables de pénétrer les vérités un peu difficiles à découvrir », ajoute : « Il y a des femmes savantes, des femmes courageuses, des femmes capables de tout… Quand nous attribuons quelques défauts à un sexe, nous ne l’entendons que pour l’ordinaire, en supposant toujours qu’il n’y a point de règle sans exception. » — Bossuet ne faisait que céder à un mouvement d’impatience provoqué par la coquetterie et la vanité des femmes, lorsqu’il leur rappelait qu’après tout elles sortent « d’un os complémentaire de l’homme ».

  1. De l’Égalité des deux sexes. Discours physique et moral où l’on voit l’importance de se défaire des préjugés ; Paris, 1673, 1691, — De l’éducation des dames pour la conduite de l’esprit dans les sciences et dans les mœurs. Entretiens ; Paris, 1679.
  2. Voir le Mascurat, p. 68.