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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/119

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LES PETITES ÉCOLES DE PORT-ROYAL

II

Nous ne sommes dans ce monde, dit Port-Royal, que pour y faire notre salut : c’est à ce soin que nous devons employer notre vie et toutes nos facultés. Hors de là tout est vain. Montrer à l’enfant le but que doit atteindre l’homme et l’y acheminer : tel est l’objet de l’éducation. Or, parmi les moyens qui peuvent conduire à ce but, l’un des principaux est l’instruction. Il faut étudier pour savoir ce qu’on doit faire ; il faut apprendre à bien parler et à bien écrire, parce qu’il faut être en état de défendre l’Église et de servir Dieu, et parce que les vérités de la religion doivent être défendues dans un solide langage, être exprimées dans une forme digne d’elles. Les écoles qu’on fondera auront pour fin la piété plus que l’instruction ; l’étude des belles-lettres et de la science n’y sera point l’objet capital ; mais on en donnera pourtant de solides principes.

L’instruction sera générale ; elle aura pour but de « porter les esprits jusqu’au point où ils sont capables d’atteindre[1] ». Elle embrassera donc toutes les facultés ; mais il en est une qui sera l’objet d’une culture toute particulière, c’est le jugement, parce qu’elle a dans la vie une importance capitale. « Il n’y a rien de plus estimable que le bon sens et la justesse de l’esprit dans le discernement du vrai et du faux, dit Nicole. Toutes les autres qualités de l’esprit ont des usages bornés ; mais l’exactitude de la raison est généralement utile dans toutes les parties et dans tous les emplois de la vie… Ainsi la principale occupation qu’on devrait avoir serait de former son jugement et de le rendre aussi exact qu’il peut être, et c’est à quoi devrait tendre la plus grande partie de nos études. On se sert de la raison comme d’un instrument pour acquérir les sciences, et l’on devrait, au contraire, se servir des sciences comme d’un instrument pour perfectionner sa raison, la justesse de l’esprit étant infiniment plus considérable que toutes les connaissances spéculatives auxquelles on peut arriver par le moyen des sciences les plus véritables et les plus solides ; ce qui doit porter les

  1. Nicole, Traité de l’éducation d’un prince, 2e partie, I.