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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/212

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REVUE PÉDAGOGIQUE

enfants pour la gymnastique et les exercices militaires ; il v a dans cette race des goûts guerriers, l’estime du corps.

V

Les fonctions d’instituteur sont ici très recherchées ; 1,000 francs, 1,200 francs avec le logement, c’est une fortune dans un pays pauvre. On m’assure que maints propriétaires, des médecins portent envie à l’instituteur. Le maire s’assied volontiers à sa table et y trouve parfois une chère meilleure qu’à la sienne. Mais il y a de tristes compensations. La Corse est par excellence le pays des divisions : c’est un legs des temps passés. Point de si humble village qui n’ait ses deux partis ; l’organisation de ces partis ou clans est très forte ; les hommes du clan sont tout dévoués à leur chef, et le chef à son tour est tout dévoué à ses hommes ; il les fait profiter de l’influence qu’il tient d’eux, il les couvre, il les aide. Ces clans en présence l’un de l’autre prennent tel nom, telle étiquette empruntée à nos partis politiques ; je m’imagine qu’au fond, si l’on savait écarter les apparences, on verrait que tel parti dans tel village est le parti de B., tel autre le parti de C. Les nombreuses élections que comporte la forme de notre gouvernement mettent aux prises ces partis. Je ne crains pas de dire que les élections les plus humbles, les élections municipales sont celles qui passionnent le plus, parce que des personnalités plus proches des électeurs y sont engagées. On se bat à coups de bulletins de vote, comme on se battait autrefois à coups de fusil. Encore les fusils ne restent-ils pas toujours aussi cachés, m’assure-t-on, que le voudrait le régime particulier imposé à la Corse, l’interdiction du port d’armes. Pour ma part j’en ai vu plus d’un errer sur les routes au dos des paysans. Les violences ne sont pas rares ; or, une violence commise, on a bien vite pris la campagne, gagné le maquis ; on y vit, on est bandit. Il y aurait, m’a-t-il

    vous ? » ajoutai-je. Elle me tendit un livre que j’ouvris au hasard ; il y était traité de la manière différente dont on devait se tenir à une messe de mariage et à une messe d’enterrement ; et le reste à l’avenant. C’était un cours de civilité. Les recommandations m’en paraissaient encore plus ridicules et plus sottes quand je levais les yeux sur les enfants auxquelles elles étaient adressées.