La Suisse française, quoique ce Congrès fût destiné spécialement à la Suisse allemande, avait envoyé un assez grand nombre de délégués ; mais les cantons catholiques d’Uri, de Schwytz, d’Unterwald, d’Appenzell étaient peu ou point représentés, sans doute parce que les instituteurs élus par des pères de famille appartenant aux opinions ultra-conservatrices ne sont pas libres de se joindre à un congrès qui a un caractère essentiellement libéral. Un seul pays étranger, la France, était représenté officiellement par le délégué du ministre de l’instruction publique.
Le buste d’un pédagogue bâlois du xviiie siècle, Isaac Iselin, est placé au fond de la salle, et tout autour on a inscrit les noms de Rousseau, Pestalozzi, le P. Girard, Keller, Zschokke, Wehrli, Franscini, Vinet, etc. Sur chaque table se trouve la coupe traditionnelle remplie de vin, qui circule et dans laquelle tous boivent en signe de confraternité ; sur la tribune aux toasts on voit la grande coupe d’honneur.
Dès que tout le monde a pris place, un instituteur monte à la tribune, donne le ton, lève la baguette, et l’assemblée entonne le chœur de Mozart : Brüder, reicht die Hand zum Bunde. Je ne sais rien de plus solennel, qui vous procure une émotion plus douce, que cette harmonie grave et puissante, cet hymne patriotique chanté par mille voix. Tous y prennent part, instituteurs et institutrices, professeurs et magistrats, inspecteurs et membres du gouvernement, et l’assemblée se trouve comme soulevée par les sentiments nobles et généreux qu’expriment la mélodie et les paroles de ce chant imposant. D’autres chœurs sont chantés après celui-ci, et la Liedertafel (société chorale) de Bâle, composée d’habitants appartenant à toutes les classes de la société, exécute en outre un certain nombre de quatuors vraiment remarquables.
L’auditeur français qui assiste à ces fêtes ne peut s’empêcher de regretter notre pauvreté en mélodies et chants vraiment populaires, et le peu de souci que nous avons pris jusqu’ici de ce puissant instrument d’éducation patriotique et de culture morale. En Suisse le chant est cultivé avec un soin tout particulier dans les écoles[1], et chaque commune, le village comme la ville, a sa société chorale dirigée par l’instituteur.
Un seul orateur prend la parole ce premier soir ; c’est le conseiller d’État chargé de l’instruction publique de Bâle, président du comité d’organisation. Après avoir souhaité une cordiale bienvenue à tous, M. Burckhardt rappelle le congrès de 1869 tenu également à Bâle. Depuis cette époque la ville s’est transformée, la population s’est élevée de 45,000 à 70,000 habitants, la population scolaire de 4,500 à 10,000 élèves. Une organisation vraiment républicaine a été donnée à l’instruction primaire. Toutes les écoles à tous les degrés
- ↑ Le nombre des heures consacrées à la musique va, dans certaines écoles normales, jusqu’à 8 ou 10 par semaine.