Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, second semestre, 1891.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
100
REVUE PÉDAGOGIQUE

susceptible de redressement, fait la force comme la dignité. Malheur à la science qui, par une rigidité systématique, en briserait le ressort ! Son devoir est de s’ajuster aux nécessités particulières créées par l’inévitable influence des milieux ou par la fatalité physiologique de l’hérédité. La pédagogie contemporaine n’est digne de la confiance que l’opinion lui témoigne chaque jour davantage que parce que ses doctrines intelligentes et libérales reconnaissent parmi les lois communes toutes les diversités de la nature, parce qu’elle rassemble, en les corrigeant ou en les tempérant les uns par les autres, les systèmes de Rabelais et de Montaigne, de Locke et de Rousseau.

De là vient que, dans certaine école, on incline à l’envisager moins comme une science que comme un art. La vérité est qu’il n’est pas de science morale qui, dans ses applications, puisse se passer du concours de l’art. J’ajoute qu’ici ce concours est une absolue condition de succès. Le danger sans doute est qu’on prenne des expédients pour une méthode et qu’on confonde l’art avec les artifices. Mais où la science est solide et intelligente, l’art ne peut être que sérieux et sincère. Ce n’est point un talent commun, certes, que de s’établir dans la conscience de l’enfant, de s’en rendre maître en la ménageant, de la guider sans la contraindre. Il n’est pas donné à tous, même aux plus savants, de faire judicieusement la part de l’autorité nécessaire et la part de la liberté utile, d’aider à l’essor de la sensibilité et de l’imagination en dehors desquelles il n’y a pas d’existence morale complète, sans que la raison, suivant le mot de Mme de Maintenon, cesse jamais d’avoir raison. Le progrès de l’âge modifie les difficultés ; il ne les diminue point. Elles s’accroissent au contraire avec la force des passions. On a toujours plus ou moins de prise sur l’enfant qui ne résiste point ou qui cède vite. L’adolescent, qui sent sa volonté s’affermir et qui n’ignore pas que c’est l’instrument qu’une bonne éducation travaille à forger en lui, a ses retranchements, ses lignes de défense. Il ne se laisse prendre que par ceux qui ont trouvé l’accès, et il n’y faut rien de moins qu’une grande dextérité de conduite et toute la souplesse d’une main délicate. Notre pédagogie féminine excelle en ce genre de direction. Je ne crois pas qu’il en existe de plus riche, de plus pénétrante dans ses moyens d’action : on y sent la mère