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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1892.djvu/189

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LECTURES VARIÉES



L’Instruction primaire dans l’Université de Napoléon[1].

Ceci est l’instruction secondaire, son œuvre la plus personnelle[2], la plus achevée, la plus complète ; au-dessous et au-dessus, les deux autres étages de l’éducation, construits d’une façon plus sommaire, s’ajustent à l’étage moyen, et les trois ensemble font un monument régulier, dont l’architecte a savamment équilibré les proportions, combiné l’aménagement, calculé le service, dessiné la façade et le décor.

« Napoléon, dit un adversaire contemporain[3], ne connaissant le pouvoir que sous la forme du pouvoir le plus absolu, le despotisme militaire, essaya de partager la France en deux catégories, l’une composée de la masse du peuple, destinée à remplir les vastes cadres de son armée et disposée, par l’abrutissement où il voulait la main tenir, à une obéissance passive, à un fanatique dévouement ; l’autre, plus élevée en raison de sa richesse, devant conduire la première selon les vues du chef qui les dominait également, et, pour cela, être formée elle-même dans des écoles où, en même temps qu’on la dressait à une soumission servile et, pour ainsi dire, mécanique, elle acquérait les connaissances relatives à l’art de la guerre et à une administration toute matérielle ; les liens de la vanité et de l’intérêt devaient ensuite l’attacher à sa personne et l’identifier, en quelque sorte, à son système de gouvernement. » — Atténuez d’un degré cette peinture trop sombre, et elle est vraie. Pour l’instruction primaire, aucune subvention de l’État, nul crédit inscrit au budget, aucune aide en argent, sauf 25,000 francs alloués en 1812 aux novices des Frères Ignorantins, et dont ils ne touchent que 4,500 ; la seule marque de faveur accordée aux petites écoles est l’exemption de la redevance universitaire. Avec leurs habitudes de logique fiscale, ses conseillers proposaient de l’exiger ici comme partout ailleurs ; en politique avisé, il juge que la perception en serait odieuse, il tient à ne rien perdre de sa popularité parmi les villageois et les petites gens ; c’est 200,000 francs par an qu’il s’abstient de leur prendre ; mais, à l’endroit de l’instruction primaire, ses libéralités s’arrêtent là. Que les parents et les communes s’en chargent, en fassent les frais, cherchent et engagent l’instituteur, pourvoient eux-mêmes à

  1. Extrait, avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur, d’un article de M. H. Taine dans la Revue des Deux Mondes du 1er juin 1892 (La reconstruction de la France en 1800 : l’École).
  2. L’auteur vient d’achever tableau de l’organisation des lycées et collèges sous Napoléon.
  3. Lamennais, Du progrès de la Révolution, p. 163.