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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1909.djvu/125

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L’EXEMPLE DE FRÉDÉRIC MISTRAL

vail accompli, il enseigne le prix de l’effort, il est, entre deux fatigues, le repos, la consolation, le bon encouragement. Le peuple qu’il chante, c’est le peuple sain, robuste, qui se courbe sur la charrue ou sur la rame, qui connaît la noblesse de ses travaux, et, sans envie comme sans humilité, sachant sa force, prétend rester peuple. Mistral a bien mérité de lui le jour où il a fait de ses laboureurs, de ses faucheurs, de ses matelots des héros d’épopée, aussi grands, aussi émouvants que des batailleurs ou des grands de la terre. Par là l’on peut dire qu’il nous enseigne la vraie démocratie, non pas celle où tout le monde veut siéger aux mêmes places de vanité, de lucre ou d’oisiveté, mais celle où chacun se contente de bien faire la tâche pour laquelle il se sent fait par son hérédité, son éducation, ses goûts personnels. Qu’il soit possible à un homme du peuple de s’élever aux plus hauts sommets de l’esprit et de la gloire, il l’a montré magnifiquement, mais il a montré aussi que ce n’était pas en se déclassant, en se transplantant hâtivement, au risque de perdre son originalité, sa valeur propres.

C’est le meilleur des « régionalismes ». On en parle beaucoup depuis quelques années, et aussi de décentralisation. Quel que soit le nom, la doctrine n’est pas nouvelle. Dès 1380, Brizeux chantait :

Oh ! ne quittez jamais le seuil de votre porte !

Regrets d’un exilé, qui vont tout de suite à l’excis. Ce ne sont pas là des conseils raisonnés, éprouvés par l’expérience. Mistral, qui ne s’exile point, n’a pas à prendre le ton de l’élégie, mais, ce qui vaut mieux, toute sa vie est un conseil ; il a fait, dans son village, une œuvre profonde, et de ce village il a enseigné le chemin à l’élite des lettrés de tous les pays. Il n’a point attendu qu’on modifiât quelques divisions administratives, qu’on supprimât quelques sous-préfets. Paisiblement il a montré par l’action, — toute sa vie est action — qu’on peut, où que ce soit, sous quelque régime que ce soit, faire œuvre utile pour son pays. En même temps l’amour qu’il a pour sa terre n’a rien eu d’agressif ni d’envieux. Il sait que parfois il est des exils nécessaires, et lui-même, s’il n’avait jamais quitté Maillane pour Avignon, peut-être n’aurait-il pas pris conscience du rôle qu’il devait jouer. Point de déclamations provinciales contre Paris : il aime, il admire ce