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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1913.djvu/242

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Jeunes Gens d’autrefois
et Jeunes Gens d’aujourd’hui
[1].


… On a mené grand bruit, ces derniers temps, autour des enquêtes faites sur les grands courants d’idées et de sentiments qui inspirent vos camarades, ceux qui vous précèdent de quelques années à peine et qui, hier encore, étaient comme vous sur les bancs d’un lycée.

On a applaudi vigoureusement aux déclarations recueillies et on a cru voir — non sans raison peut-être, — se lever l’aurore de temps nouveaux. Voici enfin, s’est-on écrit Joyeusement, une « jeunesse jeune » ! une Jeunesse qui demande à agir et qui se prépare à l’action par l’amour et la pratique assidue des sports ; une Jeunesse « patriote » qui attend avec impatience le moment de remplir le devoir militaire et qui l’accepte d’avance, gaîment, dans toute sa durée, dans toute sa rigueur ; une jeunesse vraiment « française » enfin qui veut renouer la tradition française, non-seulement dans le devoir patriotique et militaire, mais aussi dans la production littéraire où elle témoigne une aversion marquée à l’égard des littératures étrangères pour revenir avidement à la tradition classique, à la littérature nationale, à la littérature du sol et de la race.

Et l’on ajoute aussitôt, car la comparaison s’impose : combien différente apparaît la jeunesse d’aujourd’hui de celle qui l’a précédée et qui est sortie des lycées de 1885 à 1890 : en littérature, elle s’éprend des œuvres septentrionales et slaves et s’applique, par contre, à railler les grands types classiques du génie français ; désabusée et sceptique, elle néglige l’idée et le sentiment et s’attarde à ciseler des mots étincelants mais souvent vides de sens ; indifférente et-lassée, elle semble se désintéresser du devoir patriotique et de l’action. Sans sourciller, elle entend parler de la supériorité des autres races et de la décadence prochaine des races latines ; elle s’associe par snobisme et dilet-

  1. Extraits du discours prononcé à la distribution des prix du lycée de Chambéry, par le Président, M. F. Alengry, recteur de l’Académie.