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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1914.djvu/242

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REVUE PÉDAGOGIQUE

triomphe du droit, la reconstitution de la patrie une et indivisible.

Depuis trois mois, notre pays est engagé dans un drame gigantesque, sans précédent, qui met aux prises deux conceptions opposées de la civilisation future de notre planète, de ce petit globe perdu dans l’espace, dont les habitants éphémères n’ont d’autre raison de vivre que l’idéal qu’ils portent en leur conscience.

Des millions d’hommes se heurtent sur des fronts traversant la France et la Belgique, en des batailles qui durent des semaines, qui recommencent à peine terminées, qui exigent des efforts d’héroïsme et une tension surhumaine de la volonté et des nerfs, auprès desquelles pâlissent les plus grands faits de guerre, les plus beaux sacrifices à la patrie qui aient jamais été accomplis. Si des deux côtés les courages sont comparables et les armements de même puissance, les âmes et les consciences, ces énergies immatérielles qui constituent la force motrice secrète et décisive, sont entièrement différentes.

Du côté allemand se trouvent une organisation impeccable, une longue préparation, systématique jusque dans le détail, de tout ce qu’il est possible de prévoir et de réglementer ; l’utilisation pratique même des plus récentes découvertes scientifiques ; une conception industrielle et commerciale de la paix et de la guerre, en vue de la domination, du gain, du butin, des conquêtes et des destructions considérées comme des moyens de vaincre, avec cette pensée directrice que la force aussi parfaitement organisée crée le droit, qu’elle est supérieure à tout : à la vérité, aux traités, aux paroles données, aux idées de liberté fraternelle, de respect de l’homme et des œuvres de l’homme, acquises par l’humanité en de longs siècles de luttes et de souffrances. Le rêve allemand, naïvement avoué, est de faire de l’Allemagne le centre d’un monde, organisé comme un cuirassé, où tout se ferait avec méthode, régularité et soin, sous la domination d’un gouvernement puissant et impitoyable siégeant à Berlin ; les autres peuples de l’ancien et du nouveau continent étant admis à vivre en vassaux dociles, dans une prospérité sans dignité et sans honneur.

Cette conception mécanique, d’où l’intelligence et le respect