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phénomènes physiques avec l’intention d’en tirer des procédés pratiques, l’usage que l’homme fait des puissances naturelles ne peut pas être considéré comme l’intervention de la cause finale dans l’étude des phénomènes. Il est utile, par exemple, de connaître la vitesse de la propagation du son ; mais lorsque MM. Colladon et Sturm étudiaient le temps que les ondes sonores mettent à franchir l’espace, aucune considération relative aux fins n’intervenait dans leur étude. Les considérations de cet ordre sont pareillement étrangères aux observations et aux calculs par lesquels les physiciens cherchent à déterminer le nombre des vibrations de l’éther qui répond à telle ou telle couleur. Dans son étude directe, le physicien se pose toujours l’a question du comment des phénomènes, et non celle du pourquoi.

Les études biologiques se présentent dans des conditions différentes. Les êtres vivants sont des unités concrètes ; et pour se rendre compte de leur mode d’existence, le savant se demande continuellement quel est le rapport des organes aux fonctions, et le rapport des fonctions à l’entretien de la vie, soit des individus soit de l’espèce. C’est bien souvent la cause finale qui le met sur la voie de la découverte des causes efficientes. La circulation du sang, par exemple, est maintenant, à titre de cause efficiente, l’une des grandes sources des explications physiologiques. La découverte fut faite par Harvey qui, en observant les valvules des veines, se demanda quel pouvait être le but de cette disposition des organes, et supposa que la fonction des valvules était d’empêcher le sang de refluer. Dans un cours d’anatomie comparée, fait à l’Académie de Genève, en 1863, M. le professeur Claparède posa cette question : « Certains animaux possèdent-ils des sens que nous n’avons pas ? » Il répondit : « Cela est probable, » et il ajouta : « En effet, on trouve chez certains poissons, par exemple, des appareils spéciaux que l’homme ne possède pas et qui pourraient bien être les organes de sens inconnus pour nous[1]. » On voit ici l’observation d’un appareil organique, et une supposition dirigée par l’idée de la finalité. Remarquons, en passant, que les phénomènes physiques sont classés, en lumière, son, chaleur, saveur, odeur, d’après les sens qui les perçoivent, et que nous ne possédons aucun sens spécial qui nous mette en rapport direct avec l’électricité. La supposition d’une perception directe des phénomènes électriques par un sens particulier n’a rien d’impossible, et cette perception joue peut-être un rôle considérable dans l’instinct des animaux.

  1. Manuscrit d’un auditeur du cours.