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sans l’éclairer. Il s’étend longuement sur ces défauts. Si lui-même n’a pas toujours observé ses préceptes, on doit reconnaître qu’il y a généralement réussi. Sa pensée est facile à suivre, son exposition des doctrines bien conduite et lumineuse ; son langage en général est naturel et simple. Il sait choisir les points importants vraiment dignes d’intérêt et les fait bien ressortir ; s’attachant au principal, il néglige les détails inutiles. Doit-on dire que, pour le lecteur français, son œuvre sous ce rapport ne laisse rien à reprendre ou à désirer, qu’il n’y ait pas des longueurs, des redites, des phrases interminables et enchevêtrées, des digressions, etc. ? Ce serait vouloir qu’un livre allemand ne fût pas un livre allemand. On doit lui savoir gré aussi d’avoir abandonné dans sa forme d’exposition cette méthode scolastique, si chère aux professeurs des universités, qui débute par de courts paragraphes suivis de scholies ou commentaires, où un texte laconique et obscur est expliqué par un autre texte qui lui-même n’est pas un modèle de parfaite lucidité. Il expose d’une manière suivie les systèmes et les apprécie de même. Après chaque degré ou période importante, un résumé ou récapitulation établit la marche générale et l’enchaînement des idées. Une table des matières très-détaillée et raisonnée met tout l’ensemble sous l’œil du lecteur ; elle permet d’embrasser comme d’un coup d’œil toute cette histoire et l’ouvrage dans son entier.

J’insiste sur tous ces points parce que c’est l’indice d’une tendance nouvelle chez nos voisins, à laquelle les hégéliens eux-mêmes ont dû obéir. À Schopenhauer et à son école, on le sait, reviennent surtout l’honneur et le mérite de cette réforme. C’est lui qui, par sa polémique et par son exemple, a déterminé le retour aux formes plus simples de l’exposition et du langage ordinaires dans la philosophie allemande. La réaction qui s’est produite en ce sens est un fait important. Avoir combattu et vaincu le formalisme obscur et pédantesque qui commence à Kant et ne fait que s’accroître chez ses successeurs est un vrai service rendu à la pensée philosophique. Il est curieux de voir l’hégélianisme, dans la personne d’un de ses représentants distingués, faire de telles concessions et se ranger au même avis. — Quant à l’interprétation et à la critique des doctrines, cela tient trop au fond même du livre pour que nous ne devions pas réserver notre jugement.

Il nous suffit d’ajouter que partout l’auteur fait preuve d’un savoir très-étendu et d’une rare intelligence des matières qu’il traite. On voit que s’il s’est servi de ses devanciers, il a fait lui-même une étude consciencieuse et approfondie des théories qu’il expose et qu’il apprécie. Son érudition est rarement en défaut et fournit une